Recherche sur L’Utilisation
d'Espèces Végétales à Usage Multiple
dans la Réserve de la Biosphère de la Boucle du
Baoulé-Mali
Moriba Nomoko
BIOLOGISTE–PRESIDENT AMCFE
ASSOCIATION MALIENNE POUR LA
CONSERVATION DE LA FAUNE ET DE L’ENVIRONNEMENT « AMCFE »
B.P. 2921, Télefax : 23
51 79 Bamako - Mali
1.
INTRODUCTION
Situé
en Afrique Occidentale, le Mali a une superficie de 1.241.238 km² dont la plus
grande partie est couverte par le désert du Sahara. Pays enclavé, le Mali a une
population estimée à 9.000.000 d’habitants dont 80% vivent en milieu rural et
sont constitués d’agriculteurs, de pêcheurs et d’éleveurs. Ces communautés
tirent l’essentiel de leur subsistance de l’exploitation des ressources
naturelles (faune, flore, ressources en eau, sol et ressources minières).
L’essentiel
de cet exposé portera sur l’utilisation des espèces végétales en général et en
particulier sur les plantes médicinales dans la Réserve de la Biosphère de la
Boucle du Baoulé.
2.
PRESENTATION
DE LA REGION DU BAOULE
La
zone est située entre le 14°35’ et 13°45’ de latitude Nord et le 8°23’ et 9°25’
de longitude Est. Les précipitations annuelles sont de l’ordre de 600 à 950 mm
de pluie par an conférant ainsi à la région deux zones éco-climatiques
distinctes, à savoir :
–
au Sud une
zone soudanienne méridionale (savane à isoberlina couverte plus largement de
graminées pérennes),
–
au Nord une
zone soudanienne septentrionale (savane à combretacées avec un peu de graminées
pérennes).
La
Réserve a été créée en 1952 dans le
souci de préserver la faune et la flore. Elle a été inscrite sur la liste des
Réserves de la biosphère de l’UNESCO en 1982 avec un objectif
complémentaire : concilier l’intérêt de la population à celui de la
conservation des ressources naturelles.
3.
RAISONS
DU PROJET
Les raisons qui sous-tendent le projet
sont d’ordre écologique, économique, culturel et pharmacologique. En
effet, la Réserve du Baoulé est soumise depuis plus de deux décennies à une
dégradation croissante de ses ressources (faune, flore, eau, sol…), sous les
effets conjugués de la sécheresse et des actions anthropiques (feux de brousse,
défrichement, récolte de plantes médicinales, braconnage, etc.…)
C’est pour ces raisons essentielles que
la recherche sur l’utilisation des espèces végétales à usage multiple a été
menée dans la Réserve sur financement du W.W.F. Washington.
4.
APPROCHES
ET OBJECTIFS DU PROJET
L’approche a été participative et
collaborative. Elle a permis de regrouper autour du même sujet : les
populations, des institutions spécialisées (D.M.T) et de recherche (ISFRA) et
de l’ONG (AMCFE).
Les objectifs visés étaient :
–
d’identifier
des espèces végétales à usage multiple et dégager avec les populations les
différents domaines d’utilisation (protection de l’environnement, alimentation,
pharmacologie et autres…),
–
de dresser une
liste de ces espèces reconnues utiles aux points de vue économique et
pharmacologique,
–
d’engager des
actions concrètes (plantation, culture, surveillance des peuplements naturels)
avec les populations bénéficiaires afin de préserver et de faciliter
l’exploitation rationnelle de ces espèces,
–
d’inciter les
populations à prendre en charge la gestion des ressources de leur terroir.
Pour atteindre ces objectifs, le projet
a été exécuté en trois étapes : recherche sur le terrain, formation des
ressources paysannes et organisation d’un séminaire atelier.
5.
RESULTATS
ATTENDUS
5.1
Recherche sur le
Terrain
Les enquêtes ethnobotaniques ont
permis :
–
d’identifier
et de dresser deux listes d’espèces végétales de 115 plantes reconnues à usage
multiple et de constituer un herbier de référence,
–
de recenser 52
tradithérapeutes résidents et itinérants,
–
de recenser
auprès des tradithérapeutes l’ensemble des affections que les plantes traitent,
–
de faire des
regroupements logiques des maladies et des symptômes en les classant par ordre
alphabétique à l’intérieur des appareils, systèmes ou groupes spécifiques.
Par exemple l’appareil digestif :
plantes traitant la constipation :
w Borassus
aethiopum Mart Arecaceae (Bamanan : Sébé)
w Nom
du thérapeute : ASFO. Le fruit mûr débarrassé de son épicarpe est mis en
macération dans l’eau. Le macéré est bu par le malade.
w Piliostigma
Thonningii Milne Redhead – Caesalpniacée (Bamanan : Niama tchè) SAFO
(Salé FOFANA). Le macéré des feuilles non encore épanouies est conseillé per-os
pour la purgation des nourrissons.
Pour l’Appareil Cardio-vasculaire :
+
Asthme :
w Clerodendron
sp. Verbenaceae
(bamb.djimikala) Sa Tr : décocté acqueux des rameaux feuillés en bain de
vapeur.
+
Hémorroïdes :
w .Acacia seyal Del Mimosaceae (bamb.
Ntiouwadjè) Sa Tr : la poudre d’écorce de tronc est utilisée per-os dans
de l’eau ou avec la bouillie.
–
de dresser une
carte des ressources montrant la répartition géographique des plantes
médicinales.
–
de déterminer
les principes actifs de certaines plantes, le Vernonia kotchina par exemple, avec l’appui de la Division Médecine
Traditionnelle.
Ainsi
pour les 115 plantes récoltées, les utilisations médicinales se trouvent
approfondies dans le Rapport de Recherche.
5.2
Formation des
Ressources Humaines en Milieu Paysan :
Neuf (9) néo-alphabètes ont été formés
en techniques d’exploitation et d’utilisation rationnelle des espèces
végétales. Ils ont aussi appris les techniques de transformation, de
conservation et de plantation des plantes médicinales. Ils ont effectué des
visites d’échange auprès d’autres associations de thérapeutes traditionnels,
d’herboristes et à l’unité de production des médicaments traditionnels
améliorés.
5.3
Séminaire
Atelier :
Il a regroupé :
-
les
représentants des populations : 15 personnes.
-
des
institutions spécialisées et de recherche, des ONGs : 8 personnes
Il a permis de restituer des données des
phases aux populations et de formuler des recommandations.
6.
CONSERVATION
DES PLANTES MEDICINALES DANS LE BAOULE
Des mesures locales de conservation
existent dans la zone. Elles se rencontrent à travers les :
–
pratiques
culturales : les plantes sont épargnées par le paysan lors du
défrichement.
–
pratiques
socioculturelles : existence dans certains villages des lignages entiers
(patronymes) qui pour des raisons mystiques s’abstiennent de toute forme d’utilisation de certaines
espèces végétales sous peine de s’attirer des malédictions.
–
interdiction
de l’abattage des plantes à plusieurs vertus.
–
interdiction
des feux de brousse.
–
création
d’associations de tradithérapeutes pour la surveillance des peuplements
naturels.
Du point de vue de la Réglementation, la
réserve a été classée en 1952 et régie en « Réserve de la Biosphère »
en 1982. Avec ce statut, il s’impose une exploitation rationnelle des
ressources tout en tenant compte de l’intérêt des populations. Quant à l’ONG (AMCFE)
elle est en train de sensibiliser et d’encadrer les communautés pour la
culture, l’exploitation et l’utilisation durable des plantes médicinales des
différents terroirs.
7.
CONCLUSION
Il faut retenir qu’à l’issue de ce
projet de recherche, quatre espèces de plantes médicinales ont été localisées
dans tous les terroirs et souvent en peuplement naturel considérable. Ce
sont :
–
Vernonia
kotschyana (Gastralgies) ;
–
Lippia
chevalieri (contre le paludisme) ;
–
Crossopteryx
febrifuga (contre la toux) ;
–
Combretum
micranthum (contre l’hépatite).
Ces espèces sont exploitées actuellement
par les communautés et vendues à la Division Médecine Traditionnelle (DMT).
La culture du Spilanthes Oleracea (contre le paludisme et les infections
buccales) a été introduite par l’ONG « AMCFE » suite au besoin
exprimé par les populations. Toutes ces opérations ont bénéficié des conseils
de la DMT.
D’autres plantes médicinales rares ou
menacées d’extinction dans la région font également l’objet de culture, de
surveillance par les communautés, par exemple le Vepris Heterophylla. En clair, l’avenir des plantes médicinales
dépendra des politiques et des moyens que chaque Etat mettra en œuvre pour les
conserver et les exploiter. Cependant, en vue de cette expérience, nous
recommandons :
–
la
concertation et la collaboration dans l’action entre les différents acteurs
(Institutions de recherche, Organismes de développement, ONGs et Populations…) intéressés par la
question ;
–
faire l’état
des lieux par rapport aux plantes médicinales ;
–
faciliter les
échanges d’informations et de contacts entre les acteurs de tous les pays.
8.
PERSPECTIVE:
L'AMCFE en collaboration avec d'autres partenaires (DMT,
ISFRA, IER, Université du Mali), envisage de mener des études de cas dans les
réserves forestières et de faune au nombre de dix (10) actuellement. Ceci
permettra de réduire d'une part les pressions des populations humaines
installées à l'intérieur ou à la périphérie de ces réserves et d'autre part de
conserver la biodiversité et de générer des revenus aux populations. Déjà un
projet sur la réserve de faune du Bafing a été élaboré et nous sommes à la
recherche de financement. Il rentre dans le cadre de faire l'état des lieux
par rapport aux plantes médicinales.
9.
BIBLIOGRAPHIE
R.P. Denis Malgras ; Arbres et
arbustes guérisseurs des savanes Maliennes, édition Kartala et ACCT, 1992
Enda ; Environnement africain,
Série « Plantes Médicinales » 1987
OMS – UICN – W.W.F ; Principes
directeurs pour la conservation des plantes médicinales, 1993
AMCFE ; Rapport d’exécution du
projet « Recherche sur l’Utilisation d’espèces végétales à usage multiple
dans la Biosphère de la Boucle du Baoulé », 1994.
10.
LEXIQUE
AMCFE : Association Malienne pour la
Conservation de la Faune et de l’Environnement.
D.M.T : Division Médecine traditionnelle.
ISFRA : Institut supérieur de Formation et de
la Recherche Appliquée.
IER : Institut d’Economie Rurale.
OMS : Organisation Mondiale pour la
Santé.
UICN : Union Mondiale Pour la
Nature.
Per-os : Par voie Orale.
Asthme : Essoufflement caractérisé par une
difficulté à expirer l’air inspiré. Survient souvent par crise à début brutal
et à fin rapide.
Constipation : Ralentissement du transit intestinal.
Hémorroïdes : Tuméfactions d’origine veineuse localisées à
l’anus.
PRESENTATION
DE L’A.M.C.F.E
1.
CREATION
L’A.M.C.F.E (Association Malienne pour
la Conservation de la Faune et de l’Environnement) a été créée le 7 décembre
1990. Elle a eu son récépissé le 19 avril 1991 sous le n° 0270-MAT-DNAT et a
signé son Accord – Cadre le 19 juin sous le n°230 Ministère du Plan et de la
Coopération Internationale, lui conférant le statut d’ONG nationale à but non
lucratif. L’AMCFE a son siège à Torokorobougou, rue 409, Porte A3, Immeuble
Kardigué DIAKITE – Bamako. Sa boîte postale est le n°2921 et le numéro du
Compte Bancaire est le n°01511289821 – BANK OF AFRICA – Bamako.
2.
MISSION,
APPROCHE ET PHILOSOPHIE DE L’AMCFE
L’AMCFE a pour mission la conservation
et la gestion rationnelle des ressources naturelles renouvelables (faune,
flore, sol, ressources en eau) à travers des actions de sensibilisation,
d’éducation des populations, de protection de la biodiversité (faune, flore),
de la restauration de sites dégradés (lutte anti-érosive, reboisement…),
d’appui aux initiatives de développement à la base des communautés, de
recherche (action et scientifique).
L’approche de l’AMCFE est axée sur la
participation responsable et effective
des populations bénéficiaires à travers des actions de :
–
mobilisation
(contact, causeries – débat, réunion de groupes, séminaires…),
–
partenariat
avec des organisations (ONG, services techniques) nationales et internationales
intervenant dans les mêmes domaines.
–
La philosophie
de l’AMCFE est de promouvoir un développement durable grâce à la coopération de
tous les acteurs. L’AMCFE intervient sur l’ensemble du territoire national et
dans les domaines suivants :
–
conservation
et gestion des ressources naturelles renouvelables (faune, flore, sol,
ressources en eau),
–
éducation en
matière d’environnement,
–
appui aux
collectivités décentralisées dans le cadre d’un développement écologiquement
durable.
3.
ORGANISATION
L’AMCFE présente dans son
organisation :
–
une Assemblée
Générale qui est l’instance suprême de l’Association. Elle veille à la bonne
marche de l’ONG, approuve le programme et le rapport annuel des activités. Elle
regroupe tous les membres de l’AMCFE.
–
un Bureau
Exécutif de 12 membres dirigé par un Président. Le Bureau est l’organe
d’exécution. La fonction des membres est gratuite. Pour des tâches spécifiques,
quatre commissions de travail ont été constituées :
1 – Commission des Relations extérieures
2 – Commission des finances
3 – Commission de Sensibilisation,
d’Information et de Formation des Populations,
4
– Commission des Etudes et Recherches.
Chacune des commissions est dirigée par
un président. Les fonctions sont gratuites. L’AMCFE compte 38 adhérents. Elle
dispose d’une équipe pluridisciplinaire composée de Biologistes universitaires,
de Sociologues, de Spécialistes en relations « Population –
Environnement », de Spécialistes en Médecine Traditionnelle ainsi que des
Forestiers. Avec cette équipe, l’AMCFE peut collaborer avec d’autres
personnalités attestant de l’expérience dans les domaines lui conférant.
L’AMCFE a une expérience confirmée en matière de développement et de recherche
scientifique.
4.
RESSOURCES
DE L’AMCFE
–
cotisations
des membres,
–
droits
d’adhésion,
–
dons,
subventions et legs,
La stratégie d’auto - financement est
axée sur :
–
le prélèvement
de 20% sur les prestations des membres,
–
les frais
administratifs des projets (10%),
–
la mise en
location du matériel audio – visuel (caméra, magnétoscope, projecteur diapo,
groupe électrogène).
5.
PARTENAIRES
Les
partenaires de l’AMCFE sont de deux ordres :
5.1
Partenaires
Techniques et Collectifs d’ONG :
Ce
sont : l’Institut Supérieur de Formation et de la Recherche Appliquée (ISFRA),
Division Médecine Traditionnelle (DMT), Département de Biologie de l’ENSup, la
Direction Nationale des Ressources Forestières, Fauniques et Halieutiques
(DNRFFH), du Ministère du Développement Rural et de l’Environnement, de
l’Institut d’Economie Rurale (IER), Protection des Végétaux (PV) et les
populations décentralisées.
L’AMCFE
est membre du CCA – ONG, du SECO – ONG, des groupes pivots (Education de Base
et de Gestion des Ressources Naturelles).
L’AMCFE
a signé un protocole de collaboration avec le Projet de Gestion des Ressources
Naturelles (PGRN) du MALI dans la Réserve de la Biosphère de la Boucle du
Baoulé.
5.2
Partenaires
Financiers :
Ce
sont :
–
le Service
Allemand de Développement (DED) pour l’appui institutionnel à l’ONG (1995 –
1996),
–
l’Ambassade
des Pays-Bas pour l’éducation environnementale en milieu rural dans la
Biosphère de la Boucle du Baoulé (1992 – 1993),
–
la Coopération
Canadienne pour des activités génératrices de revenus aux groupes de femmes
dans le District de Bamako (Kalaban-coura et Baco-djicoroni – 1995),
–
le Consortium
WWF Nature Conservancy
et du World Resources
Institute pour la conservation et la gestion de la
biodiversité dans la Réserve da la Biosphère de la Boucle du Baoulé (1994 –
1995 – 1996) sur financement de l’USAID – Washington,
–
l’USAID –
MALI ; contribution à la connaissance des ressources biologiques de le
Réserve du Fleuve Bafing : Mission d’Etude du milieu et de sensibilisation
des populations (1995),
–
le PNUD :
appui aux initiatives de développement durable dans l’Arrondissement de
Sanankoroba (1996 – 1997).
L’AMCFE
est à la recherche d’autres partenaires financiers et techniques pour ses
programmes de la Boucle du Baoulé, de la Réserve du Bafing et de Sanankoroba.
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