APPORT
DE L’ALPHABET N’KO A LA TRADITHERAPIE EN
REPUBLIQUE DE GUINEE
Communication de l’Association pour l’Impulsion et la
Coordination des Recherches sur l’Alphabet N’KO
(ICRA – N’KO)
Présenté
par Ibrahima KANTE,
Premier
vice-président du C.A. de ICRA – N’KO,
Président
du département Médecine
Traditionnelle de ICRA - N’KO
Conakry,
novembre 1997
1 -
PROBLEMATIQUE DE LA MEDECINE TRADITIONNELLE
La notion de médecine traditionnelle, comme vous devez le
savoir, est très souvent abordée de façon très péjorative. En 1992, lors d’une
enquête que nous avons menée auprès d’un échantillon de cadres de la médecine
moderne des régions de la Guinée, les opinions ci-dessous ont été exprimées par
ceux-ci pour dénoncer selon eux les insuffisances de la médecine traditionnelle
conformément au tableau ci-dessous.
N°
|
OPINIONS DES CADRES ENQUETEES
|
% de cadres ayant cette opinion
|
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
|
Manque de collaboration avec la médecine moderne
Manque d’hygiène
Manque de diffusion des techniques
Méconnaissance du dosage
Mystification dans le traitement
Complication des maladies
Manque de diagnostic
Risque d’intoxication
Analphabétisme des tradipraticiens
Manque d’assistance
|
64 %
56 %
56 %
56 %
50 %
23 %
35 %
52 %
34 %
40 %
|
En dépit de tous les griefs formulés contre la médecine traditionnelle, il
y a un constat de base ; elle existe et elle est populaire. Elle est
consultée non seulement par le commun des mortels, mais aussi par
l’intelligentsia du pays. En matière de médecine traditionnelle, on ne saurait
parler d’invention de cette discipline. On pourrait plutôt parler de
systématisation.
La médecine traditionnelle est le fruit même de la
culture de notre peuple qui s’en sert sans consulter qui que ce soit en cas de
besoin. Sans céder à la tentation de la polémique, nous pouvons examiner les
griefs contre la médecine traditionnelle :
1.1
DU MANQUE DE COLLABORATION AVEC LA MEDECINE MODERNE
Il est évident que la collaboration n’est pas bonne entre
les deux médecines pour des raisons multiples :
a)
Certaines pratiques de la médecine traditionnelle ont incontestablement
retenu l’attention des praticiens de médecine moderne à telle enseigne
qu’ils ont pensé approcher ces tradipraticiens dans les formations sanitaires
modernes des centres urbains. Malheureusement, les tradipraticiens sont parfois
éleveurs, chasseurs, cultivateurs, etc. Ces activités qui sont principales chez
eux ne sont pas praticables en ville.
b)
On a souvent pensé confier des apprentis aux meilleurs tradipraticiens pour
permettre d’avoir des agents à transplanter pour la ville. Cette tentative n’a
pas abouti et ne peut nullement aboutir pour la bonne raison que le droit de
brevet n’était pas reconnu à l’époque dans notre pays.
c)
La troisième raison est culturelle, en ce sens que les praticiens de la
médecine moderne ont très souvent une formation cartésienne qui leur donne des
prétentions de supériorité sur les tradipraticiens. Ces cartésiens ne se donne
même pas la peine de s’informer tant soit peu sur les fondements et les
avantages de la médecine traditionnelle.
1.2
DU MANQUE D’HYGIENE
Le niveau d’hygiène dans les pratiques traditionnelles de
la médecine est à la hauteur de la culture populaire et du niveau de vie
matérielle de la population. Au fur et à mesure de l’évolution du niveau
d’instruction et du pouvoir d’achat, il va sans dire que l’observation des
règles d’hygiène sera plus rigoureuse. Aussi, l’assistance aux tradipraticiens
est une absolue nécessité pour leur permettre de créer des cliniques plus
descentes.
1.3
DU MANQUE DE DIFFUSION DES TECHNIQUES
La civilisation africaine en général, guinéenne en
particulier, est essentiellement orale. A cet effet, le mécanisme de la
diffusion utilise beaucoup plus la voie orale. Cependant, avec l’apparition des
systèmes adaptés d’écriture comme l’alphabet N’KO d’une part, les médias
d’autre part, les conditions deviennent de plus en plus favorables pour la
diffusion et la vulgarisation, pour peu que les tradipraticiens soient assistés
et motivés.
1.4
DE LA MECONNAISSANCE DU DOSAGE
Hormis des principes actifs comme les alcaloïdes qui agissent
à très faible dose, la plupart des produits médicamenteux sont à concentration
si faible dans les racines, les écorces et les feuilles des plantes médicinales
qu’il faudrait en administrer un grand volume de filtrat au malade pour avoir
une dose efficace.
Cependant, des rapports empiriques ont pu être établis au
cours des siècles de pratiques populaires de la médecine traditionnelle. De nos
jours, les jeunes tradipraticiens ont commencé à préparer des solutions
concentrées et même des tablettes.
1.5
DE LA MYSTIFICATION DANS LE TRAITEMENT
La mystification à notre avis a pour raison profonde le
souci de protection des œuvres ; ainsi, elle pourra progressivement cesser
avec la reconnaissance des brevets et autres droits d’auteurs aux praticiens de
la pharmacopée et de la médecine traditionnelle.
1.6
DE LA COMPLICATION DES MALADIES
Le traitement symptomatique fondé sur le coup d’œil
rapide du praticien peut aboutir dans certains cas à un mauvais diagnostic.
Dans ce cas, le temps du traitement mal orienté peut occasionner des
complications. Cette erreur n’est d’ailleurs pas propre à la médecine
traditionnelle.
1.7
DU MANQUE DE DIAGNOSTIC
La qualité d’un bon diagnostic dépend du niveau
d’équipement du praticien. Ainsi, nous n’insisterons jamais assez sur la
nécessité d’équiper les cliniques de médecine traditionnelle d’instruments
usuels de diagnostic.
1.8
DU RISQUE D’INTOXICATION
A coup sûr, l’utilisation de talismans comme médicament
(cas de la moyenne Guinée), présente certains risque d’intoxication. Il en est
de même d’ailleurs de la méconnaissance des plantes. Sinon, il est bien établi
qu’en médecine, « tout est poison, rien n’est poison, ça ne dépend que de
la dose… ».
1.9
DE L’ANALPHABETISME DES TRADIPRATICIENS
Nous faisons quant à nous la différence entre analphabète
et celui ou celle qui ne possède pas l’alphabet latin et les langues étrangères
comme le français, l’anglais ou l’arabe ; les tradipraticiens de ICRA –
N’KO ne sont pas des analphabètes.
Nous luttons à vulgariser l’alphabet N’KO au niveau de
nos collègues de toutes les régions de la Guinée ; si ce programme est
tant sois peu soutenu, le trésor public de la médecine traditionnelle ne
tombera pas dans l’oubli.
1.10
DU MANQUE D’ASSISTANCE
Etant donné que toutes les couches sociales de la Guinée
consultent soit officiellement, soit discrètement la médecine traditionnelle,
il est grand temps que les pouvoirs publics et les bailleurs de fonds se
tournent vers ce secteur vital pour enfin le sortir de l’ornière.
2 -
LA CONCEPTION ICRA – N’KO DE LA TRADITHERAPIE
Pour l’Association pour l’Impulsion et la Coordination
des Recherches sur l’Alphabet N’ko (ICRA – N’KO), l’homme, agent de
développement, est le capital le plus précieux. En conséquence, tout doit être
mis en œuvre pour que cet agent retrouve sa santé pour lui permettre de s’instruire,
de s’éduquer et de s’épanouir dans la société.
ICRA – N’KO a engagé une offensive dans l’alphabétisation
et la recherche médicinale. Ces deux secteurs sont devenus aujourd’hui de
véritables tremplins tant dans la formation de l’homme que pour sa santé.
Dans le volet Recherche Médicinale pour ne retenir que
celui-là ici, le Conseil d’Administration a créé le département de la MEDECINE
TRADITIONNELLE qui a pour mission essentielle de :
-
Mener des enquêtes sur les plantes médicinales ;
-
Initier ou favoriser les recherches sur ces plantes pour leur utilisation
judicieuse ;
-
Promouvoir les méthodes de traitement et de conservation des
produits ;
-
Diffuser les résultats des recherches pour un impact heureux sur la
population ;
-
Créer la complémentarité entre médecine moderne et médecine traditionnelle.
En plus de la création du département de médecine
traditionnelle, des centres de vulgarisation des techniques traditionnelles de
la thérapeutique ont été implantés, le plus célèbre étant celui de Conakry sis à
Yimbaya dans la commune de Matoto.
3 -
QUELQUES RESULTATS
Le département de la médecine traditionnelle de ICRA –
N’IKO a hérité d’un acquis inestimable de son précurseur feu SOULEYMANE KANTE,
inventeur de l’Alphabet N’KO, qui a pu identifier plus de 2.874 plantes
médicinales. Toutes ces plantes ont été ciblées dans la savane arborée et en
zone forestière.
Ces plantes dont le mode d’utilisation est pour
l’essentiel décrit en N’KO, permettent de traiter 317 maladies tropicales parmi
lesquelles on peut citer entre autres : l’ulcère, la stérilité sous toutes
ses formes, l’hépatite, la gastrite, l’asthme, la callite, l’hémorroïde, etc.
Les produits qui sont actuellement utilisés sont systématisés et codifiés dans
l’alphabet N’KO ; et tout homme alphabétisé en N’KO peut utiliser les
produits suivant bien sur les prescriptions des médecins pharmacologues.
Le travail de tous les jours a permis la transformation
des produits sous forme de massage, de sirop, de comprimés et d’ovules. Aussi,
le département de la médecine traditionnelle de ICRA – N’KO a pu trouver des
produits curatifs contre la nervosité, l’épilepsie, la diabète, le cauchemar
gênant, etc. Ces résultats quoique très modestes démontrent à suffisance notre
volonté à promouvoir ce patrimoine culturel africain qui est la tradithérapie.
Nous saisissons l’occasion pour inviter solennellement
les participants au présent atelier à venir visiter notre centre médical sis
dans la commune de Matoto au quartier Yimbaya-tannerie. Nous espérons que les
organisateurs examinerons avec bienveillance cette requête pour réaménager le
calendrier afin de la rendre possible.
Pleins succès à nos travaux !
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