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“Many people praise and acknowledge the healing power of plants, but few people actually take action to prevent their extension by planting and conserving them for future generations.”

Thursday, 12 December 2013

Conservation de la Biodiversité et Avenir des Plantes Médicinales en Afrique


Conservation de la Biodiversité  et Avenir des Plantes Médicinales  en Afrique

par

N’GUESSAN KOUAKOU EDOUARD

ENSEIGNANT CHERCHEUR  A  L’UNIVERSITE  DE  COCODY

COTE  D’IVOIRE–ECOLOGIE

1.                 INTRODUCTION


La communication que les organisateurs de cet atelier nous ont demandée de présenter portent sur la «conservation de la biodiversité et l’avenir des plantes médicinales en Afrique ».


Nous voudrions ici remercier le coordonnateur principal de cet atelier pour l’honneur qu’il nous fait. Nous souhaitons que notre communication soit une excellente occasion pour partager nos vues sur la problématique de la conservation de la biodiversité en général et surtout pour discuter de l’avenir des plantes médicinales en Afrique.

En effet, l’inventaire, la valorisation, la conservation, l’avenir des plantes médicinales constituent aujourd’hui une préoccupation majeure pour toutes les couches sociales des populations africaines et font par conséquent l’objet de nombreux ateliers, séminaires et forums.

Avant d’aller plus loin dans notre exposé, il nous semble judicieux de définir le concept de biodiversité.

2.               CONCEPT DE LA BIODIVERSITE


La diversité biologique ou biodiversité est «la variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie. Cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes ».

L’écosystème étant défini comme «le complexe dynamique formé de communautés de plantes, d'animaux et de micro-organismes et de leur environnement non vivant qui, par leur interaction forment une unité fonctionnelle ». (UNEP/CBD/94/1).

Ainsi, la biodiversité se situe à trois niveaux d’organisation avec :

        les écosystèmes, qui peuvent être forestiers, marins, côtiers ou d’eaux douces, etc.

        les espèces animales ou végétales, vivant au sein des écosystèmes ;

        les gènes dont la variabilité permet de définir la diversité génétique au sein des populations spécifiques.

Sur le plan historique, nous notons que c’est progressivement que les nations du monde ont pris conscience de l’importance de la biodiversité, des menaces auxquelles elle est exposée et de la nécessité de mettre en place des stratégies volontaristes à long terme pour protéger cette richesse essentielle.

Avant d’aboutir à la signature à Rio de la Convention sur la Diversité Biologique (CBD) quelques dates importantes peuvent être citées :

        1971 : Signature à Ramsar (Iran) de la convention relative aux zones humides d’importance internationale (RAMSAR).

        Mise en place par l'UNESCO du programme "l'Homme et Biosphère" MAB.

        1972 : Organisation par les Nations Unies de la Conférence sur l’Environnement à Stockholm (CNUCED).

        1973 : Signature à Washington de la Convention sur le Commerce International des Espèces de la Faune et de la Flore Sauvages Menacées d’Extinction (CITES).

        1979 : signature à Bonn de la Convention sur la Conservation des Espèces Migratrices Appartenant à la Faune Sauvage (CMS).

Les composantes de la biodiversité (plantes, animaux et micro-organismes) servent à la fois pour la santé, la construction, l’artisanat, l’alimentation, etc. Par conséquent, les enjeux de la convention sur la diversité biologique sont de plusieurs ordres : scientifique, économique, socioculturel et politique.

Ainsi donc, nous retiendrons que la biodiversité est en fait un concept né de façon progressive avec le temps pour aboutir à une convention dont les principaux objectifs sont le maintien de la diversité de toutes les formes vivantes et l’utilisation durable des constituants de cette diversité.

3.               CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE


3.1           Constat de la Dégradation

Partout dans le monde tropical, l’on assiste à une dégradation des écosystèmes forestiers et à une surexploitation des ressources forestières. Ainsi, selon la F.A.O., 44% des forêts tropicales humides ont disparu pendant la période de 1940 à 1980 (Lanly, 1982).

Le déboisement annuel des forêts humides a été estimé à environ 75.000 Km² et à 38.000 Km² pour d’autres types de forêts (les forêts plus sèches, de mousson, etc.). Si ce rythme de déboisement avait continué, toutes les forêts humides à l’exception de celles qui sont protégées (réserves, parcs nationaux et forêts classées) auraient été fortement et sérieusement endommagées ou détruites en 30 ans. Aussi, l’on a noté que 95% des forêts de la Côte Atlantique du Brésil oriental ont été détruites (Mittermeier, 1982). En Afrique, des exemples de ce type sont nombreux :

        En Côte d’Ivoire, l’on est passé de 15 Millions d’hectares en 1960 à 3 Millions en 1990.

        A Madagascar, plus de la moitié de la surface forestière originale abritant les plantes à fleurs dont 80% sont des espèces endémiques a été fortement déboisée (Plotkin, 1991). Au Nigeria, de 1980 à 1992, 43% de l’ensemble des écosystèmes forestiers ont été endommagés (FEDA, 1992).

Comme on le voit, il y a eu une destruction régulière inquiétante des écosystèmes forestiers tropicaux, des espèces végétales et animales. Cette régression inquiétante s’explique par la combinaison et la conjugaison de plusieurs facteurs.

3.2         Les Facteurs de la Déforestation et de Perte de la Biodiversité

Parmi les nombreux facteurs qui causent les transformations et la destruction des écosystèmes forestiers africains, ainsi que la perte de la biodiversité, on peut retenir trois catégories qui sont : les facteurs naturels, les facteurs humains et les facteurs économiques.

        Les facteurs naturels de destruction des forêts sont : les aléas climatiques et les désastres écologiques tels que les éboulements de terrain, la sécheresse et l’érosion.

        Les facteurs humains de loin les plus nombreux sont :

w  la pression démographique,

w  l’agriculture et l’élevage,

w  l’exploitation forestière anarchique et frauduleuse,

w  la pratique des feux de brousse,

w  les mauvaises méthodes de prélèvement (écorçage, abattage, déracinement),

w  le braconnage intensif,

w  les activités industrielles et minières,

w  l’urbanisation anarchique,

w  la surexploitation des plantes pour couvrir des besoins divers.

        Les facteurs économiques sont relatifs à la paupérisation généralisée. La pauvreté est un autre facteur important à considérer en rapport avec la conservation et l’utilisation acceptable des ressources naturelles.

La conjugaison de l’ensemble de ces facteurs contribue fortement à la diminution de la biodiversité. Généralement quand l’on parle de conservation de la biodiversité, l’on met l’accent surtout sur les espèces (souvent certaines espèces particulièrement emblématiques menacées d’extinction), en particulier lorsqu’on estime les pertes et qu’on prend des mesures de protection. Cependant, comme nous l’avons déjà indiqué, l’espèce n’est qu’un niveau de diversité. Par conséquent, l’on devra aussi tenir compte de la variété et la variabilité, à des niveaux supérieurs et inférieurs de l’organisation biologique, entre écosystèmes ou habitats et à l’intérieur des espèces.

Dans tous les cas, il n’y a pas de doute que ces différents facteurs menacent ou éliminent de nombreux écosystèmes, espèces et populations exceptionnelles du point de vue génétique y compris des ressources génétiques de grande valeur des forêts tropicales (Centre Mondial de Surveillance, 1992 ; F.A.O., 1990). En effet, le processus général de dégradation des écosystèmes forestiers s’accompagne de :

w  la réduction de la diversité des espèces

w  la raréfaction des éléments nutritifs des plantes

w  un changement structurel de la forêt cédant la place à des broussailles robustes et des prairies

w  la simplification des relations entre les essences

w  une baisse de la productivité primaire

3.3         Politique de Gestion et de Conservation de la Biodiversité

Dans le cadre d’une politique de gestion et de conservation de la biodiversité, l’on devra se donner les objectifs suivants :

        Promouvoir une stratégie de développement durable et gérer de manière rationnelle les ressources naturelles.

w  économiser et mieux valoriser les ressources naturelles ;

w  renforcer/promouvoir les pratiques culturales favorables à la conservation des milieux naturels ;

w  concilier investissements, croissance économique et protection de l’environnement (importance des études d’impacts).

        Protéger le patrimoine de biodiversité.

w  conserver et enrichir le patrimoine forestier afin de protéger directement un certain nombre d’espèces et d’écosystèmes ;

w  préserver une masse critique d’aires protégées représentatives des différents écosystèmes dans une optique de conservation globale ;

w  développer une stratégie de sauvegarde et de meilleure gestion des aires protégées (associer les populations riveraines dans la conception et la mise en œuvre) ;

w  développer un système d’exploitation rationnelle et de conservation des ressources biologiques hors des zones protégées ;

w  prendre des mesures fermes contre la pollution marine, l’utilisation des produits toxiques pour la pêche, l’envahissement des plans d’eau par les plantes aquatiques ;

w  prendre des mesures d’urgence contre les feux de brousse et le braconnage ;

w  renforcer les travaux sur la recherche de nouvelles espèces, l’inventaire des espèces connues et le fonctionnement de leur biotope ;

w  mettre en place un système d’information environnemental et de suivi des ressources biologiques et de leur conservation ;

w  renforcer la capacité institutionnelle et renforcer la législation.

4.               L’AVENIR DES PLANTES MEDICINALES EN AFRIQUE


Les plantes médicinales et la médecine traditionnelle constituent dans chacun de nos pays un patrimoine scientifique, économique et socioculturel dont les enjeux et les impacts sont d’une très grande importance. En effet, plus de 75% des populations africaines utilisent ces plantes médicinales pour assurer leur couverture sanitaire.

C’est pourquoi de plus en plus de nombreuses réflexions se développent dans beaucoup d’instances sur l’avenir et la conservation des plantes médicinales. Nous rappellerons ici les conclusions de la rencontre francophone de coopération et de partenariat sur la diversité biologique et la valorisation des ressources génétiques (Maroc, juin 1995) et du séminaire Ouest africain sur les plantes médicinales, l’accès aux ressources génétiques et le partage équitable des bénéfices tirés de l’exploitation des ressources biologiques (Côte d’Ivoire, 19-20 juin 1997).

Ces rencontres ont recommandé :

Dans le cadre de la législation, de :

w  la nécessité pour chaque Etat de prendre les dispositions qui s’imposent pour l’élaboration dans les délais les meilleurs, de textes législatifs et réglementaires pour l’accès, le partage juste et équitable des bénéfices tirés de l’exploitation des ressources biologiques ;

w  statuer sur l’exercice de la médecine traditionnelle et l’exploitation de ces ressources dans le respect de la convention internationale sur la diversité biologique ;

w  établir et harmoniser des normes de qualité de production de phytomédicaments en vue de faciliter les résultats de recherche entre les états membres ;

w  prévoir ou renforcer la juridiction nécessaire pour la conservation des plantes médicinales et leur commercialisation.

w  Dans le cadre de la protection et de la conservation des plantes médicinales :

w  évaluation du statut de vulnérabilité des plantes médicinales d’intérêt actuel ou potentiel ;

w  mise en évidence des espèces médicinales menacées de disparition ;

w  conservation ex situ en créant ou en renforçant les structures nécessaires (jardins botaniques, arborera, banques de gènes, herbier de référence) ;

w  conservation du savoir-faire ancestral des tradipraticiens de santé en poursuivant les enquêtes ethnobotaniques dans les régions non ou sous-explorées, aux fins de banques de données ;

w  sensibilisation des populations et des tradipraticiens à l’intérêt que revêt la conservation de ce patrimoine ;

w  renforcement de la collaboration entre médecine traditionnelle et médecine moderne ;

w  encouragement à la recherche scientifique en vue de la consolidation des programmes de valorisation des plantes médicinales.

Notons enfin que dans une publication récente, des directives pour la conservation des plantes médicinales ont été proposées par l’I.U.C.N., l’O.M.S., et le W.W.F. (1993). Ces directives peuvent être résumées comme suit :

A)                Etude de base

1.      Etudier les connaissances traditionnelles concernant l’utilisation des plantes pour les soins sanitaires ;

2.      Identifier les plantes médicinales, cerner leur distribution et évaluer leur abondance.

 


B)                Utilisation

3.      Cultiver les plantes médicinales pour assurer l’approvisionnement, quand cela est possible ;

4.      Assurer que toute cueillette de plantes sauvages permet le maintien de la population végétale ;

5.      Améliorer les techniques de cueillette, de stockage et de production.

C)                Conservation

6.      Conserver les populations d’espèces de plantes médicinales dans leurs habitats naturels (in situ) ;

7.      Conserver des populations d’espèces de plantes médicinales ex situ.

D)                Communication et coopération

8.      Gagner le soutien du public pour la conservation de plantes médicinales par la communication et la coopération.

Pour conclure, nous disons que les plantes médicinales étant des ressources biologiques de choix, elles devraient faire l’objet d’une attention particulière, surtout de la part des africains, dans le cadre de la mise en œuvre de la convention sur la diversité biologique, le partage juste et équitable des bénéfices tirés de l’exploitation de ces ressources.

En effet, en dehors de l’article 15 sur l’accès aux ressources génétiques, le partage juste et équitable des bénéfices tirés de l’exploitation de ces ressources, les actions en faveur de la conservation et de l’utilisation durable des plantes médicinales donc de l’avenir de ces plantes devraient également prendre en compte d’autres articles de la convention sur la biodiversité biologique telle que les articles 8–j ; 10 (alinéa c), 16 (alinéa 3) et 18 (alinéa 4).

La mise en œuvre de ces différents articles devrait permettre une utilisation durable des plantes médicinales en Afrique.


5.                BIBLIOGRAPHIE


ABAYOMI S. 1996 – Plantes médicinales et médecine traditionnelle en Afrique. Acad. Suisse Sc. Nat. , Ed. Karthala 382 p.

ACCT. 1995 – Rencontre francophone de coopération et de partenariat sur la diversité biologique et la valorisation des ressources phylogénétiques, Rabat – Maroc, 4-8 septembre 1995.

ADJANOHOUN E. 1979 – Médecine traditionnelle et pharmacopée. Contributions aux études ethnobotaniques et floristiques au Niger. ACCT – Paris

ADJANOHOUN E. 1980 – Médecine traditionnelle et Pharmacopée. Contributions aux études ethnobotaniques et floristiques au Mali. ACCT – Paris

ADJANOHOUN E. et al.1989 –  Contributions aux études ethnobotaniques et floristiques en République du Bénin. ACCT – Paris

ADJANOHOUN E., AKE ASSI L. 1967 – Inventaire floristique des forêts claires subsoudanaises et soudanaises en Côte d’Ivoire septentrionale. Fac. Annales SC. Univ. Abidjan, 3 : 89-148.

CNRP, WWF 1997 – Les plantes médicinales, l’accès aux ressources génétiques et le partage équitable tirés des l’exploitation des ressources biologiques. 19-20 juin 1997. Adiopodoumé, Côte d’Ivoire.

CUNNINGHAM A.B. 1993 – « African Medicinal Plants, Setting Priorities At The Interface Between Conservation And Primary Health Care ». People And Plants, working paper 1. U.N.E.S.C.O., Paris.

FEDA, 1992 – « Country study report Nigeria on cost, benefits and Unmet needs of biological diversity conservation ». Federal Environment protection Agency. Abuja, Nigeria.

IUCN, OMS, and WWF 1993 – Guidelines For The Conservation Of Medicinal Plants. IUCN, 1993 Gland, Switzerland.

LANLY, J.P. 1982 – « Tropical forest resources », Forestry Paper N°30, 1982. FAO Rome.

MITTERMEIER, R.A. and PLOTKIN, M.J. 1982 – « The Monkeys Of Brazil’s Atlantic Forest ». Washington D.C. pp. 11 – 22.

WILCOX B.A. 1995 – Ressources forestières tropicales et biodiversité : Risques de disparition et de dégradation des forêts. Unasylva 181, vol. 46, 1995.

 

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