ALTERNATIVE DANS LA
PRISE EN CHARGE DE PATHOLOGIES
PRIORITAIRES AU BURKINA FASO :
Exploitation par des Techniques Scientifiques Modernes des Données de la Médecine et Pharmacopée Traditionnelle en vue d’une
Amélioration de la Couverture Sanitaire en Médicaments Anti-Microbiens
Atelier d’ONG
et de chercheurs africains sur les plantes médicinales et la médecine
traditionnelle en Afrique
CONAKRY 15 – 22 novembre 1997
Professeur Innocent Pierre
GUISSOU
MINISTERE DES ENSEIGNEMENTS SECONDAIRE, SUPERIEUR ET
DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET
TECHNOLOGIQUE
(C.N.R.S.T.)
INSTITUT
DE RECHERCHE EN SCIENCES DE LA SANTE (I.R.S.S)
Ière PARTIE : DESCRIPTION DU PROJET
I.
INTRODUCTION
Les pays africains subsahariens sont des pays en voie de
développement qui connaissent d’énormes problèmes de santé. Les maladies
sévissent de manière endemo épidémique, frappant dans la majorité des cas les
populations infantiles. La mortalité infantile y est très élevée. Les maladies
incriminées sont les maladies infectieuses (bactériennes et parasitaires) et la
malnutrition.
La tranche jeune et active de la population n’est pas
épargnées par les maladies parasitaires ; de plus elle est sujette à des
pathologies liées à la race telle la Drépanocytose et à des maladies
redoutables par l’absence de traitements spécifiques modernes comme les
hépatites et bien entendu le SIDA avec tout son cortège de psychose. C’est
pourquoi ces pathologies sont classées parmi les priorités de santé publique
dans ces pays. Les structures modernes de santé s’avèrent incapables, à elles
seules aujourd’hui, à prendre en charge la santé des populations.
Les médicaments disponibles dans les structures de
distribution pour le traitement de la plupart de ces maladies sont importés,
rendant leurs prix de vente aux consommateurs très élevés. Aujourd’hui l’espoir
de médicaments essentiels génériques s’évanouit avec la récupération des firmes
pharmaceutiques internationales. Aussi, ces populations délaissent les
structures sanitaires modernes, car leurs revenus pour la majorité (environ
90%) ne suffisent même pas à assurer le minimum quotidien tel un repas par
jour. Elles se tournent vers les thérapeutiques traditionnelles qui disposent
de recettes efficaces qui font leurs preuves quotidiennes, mais qui avaient été
bannies au profit de la thérapeutique moderne.
Les autorités politiques du Burkina, à l’instar des
autres pays, devant cette situation, ont adopté la stratégie des soins de santé
primaire (SSP) insufflée par l’Organisation Mondiale de la santé (OMS), avec
comme objectif, la santé pour tous. D’importants efforts ont été déployés, tels
les constructions d’infrastructures sanitaires, la formation du personnel, une
politique pharmaceutique qui intègre la pharmacopée traditionnelle, le
rapprochement entre les deux types de pratique médicale et enfin le
renforcement des SSP par la politique de l’Initiative de Bamako (IB). L’O.M.S.
aujourd’hui suggère la recherche sur les plantes stimulantes des défenses de
l’organisme en relation avec la question du VIH – SIDA.
L’exploitation rationnelle des données de la pharmacopée
traditionnelle est incontournable dans ce cadre . C’est pourquoi
l’Institut de recherche en Sciences de la Santé (I.R.S.S.) du Centre National
de la Recherche Scientifique et Technologique (C.N.R.S.T.) a été créé avec des objectifs
bien précis. Son Département Médecine et Pharmacopée Traditionnelles mène
depuis 1978 un important programme de recherche sur les plantes médicinales de
la pharmacopée traditionnelle du Burkina Faso ayant abouti à des essais de
formulation médicamenteuse.
Cette structure nationale avec l’aide de la coopération
internationale et en partenariat avec des Universités ou Centres de Recherche
appropriés (ULB en Belgique) a acquis une expertise en matière de production
médicamenteuse à partir de plantes médicinales. Elle est également un terrain
de formation pour étudiants en pharmacie et en médecine.
L’infrastructure de l’IRSS comporte toute la chaîne
d’exploitation de plantes médicinales. Mais ses moyens limités ne lui
permettent pas d’optimiser sa recherche et les fruits de sa recherche. Le but
de la recherche dans le cadre de ce projet est d’optimiser la promotion et la
valorisation de la médecine et pharmacopée traditionnelles au Burkina Faso dans
le cadre de la prise en charge des maladies microbiennes.
II.
OBJECTIFS DE LA RECHERCHE
1.
OBJECTIF GENERAL
Contribuer à l’amélioration de la couverture sanitaire du
Burkina en médicaments antimicrobiens par la valorisation des données de la
médecine et pharmacopée traditionnelles.
2.
OBJECTIFS SPECIFIQUES
2.1
Choisir des recettes après enquêtes auprès de tradithérapeutes spécialisés
dans le traitement des maladies microbiennes et/ou à partir des banques de
données des structures nationales.
2.2
Identifier la composition de ces recettes en vue de retenir des plantes
médicinales.
2.3
Mener des études sur cinq plantes de ces recettes : phytochimie–
pharmacotoxicologie – galénique et chimie.
2.4
Constituer un herbier-droguier à partir des éléments des recettes choisies.
2.5
Réaliser des essais de culture des plantes médicinales étudiées.
2.6
Organiser la rétro information des tradithérapeutes.
2.7
Réunir les prérequis à la mise en forme de phytomédicaments.
III.
METHODOLOGIE DE RECHERCHE
CADRE D’ETUDE
1.1
LE DISTRICT SANITAIRE DE YAKO
Situé à 150
km de Ouagadougou, l’IRSS a déjà des activités de médecine et Pharmacopée
Traditionnelles avec ce district à travers un groupement de femmes dont des
tradithérapeutes, et les agents de santé et la cellule pharmacopée.
Dans ce district
l’institut a fait produire des matières premières végétales (Datura et Séné) en
1993 (600 kg) et 1994 (1 tonne).
Ces
productions ont pu être réalisées à partir des protocoles mis au point par
l’institut sur ses parcelles expérimentales de Farako-Bâ (Bobo-Dioulasso) et
transférées au groupement des femmes.
1.2
LE DISTRICT SANITAIRE DE DANO
Le district de Dano
est un Centre Médical à Antenne chirurgicale. Il est situé à 270 km de
Ouagadougou et à 180 km de Bobo-Dioulasso.
L’association des
tradithérapeutes (plus de 200 membres) est très active suite aux interventions
de l’institut dans la zone.
Plusieurs types
d’activités notamment de production de plantes médicinales sont en cours
d’élaboration par les tradithérapeutes et un groupement féminin.
N.B. : Les
districts sanitaires sont des structures décentralisées de santé gérées par une
équipe dite cadre de district et dont l’organisation fonctionnelle est axée
autour des centres de santé et des communautés villageoises.
1.3
L’IRSS
A travers son
département Médecine-Pharmacopée Traditionnelles/Pharmacie, riche d’une
expérience en matière de MPT depuis 1978, cet institut dispose d’une équipe et
d’infrastructures de recherche efficientes pluridisciplinaires.
Il sera discuté les
intérêts de chaque partie au projet.
2.
POPULATION D’ETUDE
-
Tradithérapeutes des groupements communautaires des deux districts.
-
Membres des cellules pharmacopées.
-
Membres de l’équipe cadre des districts de santé retenus.
3.
MATERIEL D’ETUDE
a)
Rapports d’activités des structures de santé et des cellules pharmacopées
b)
Registres des consultations dans les districts
c)
Fiches d’enquêtes
d)
Recettes utilisées
e)
Matériel d’analyse et d’étude de plantes médicinales
4.
METHODES D’ETUDES
L’étude a une durée
de trois ans reconductibles pour correspondre aux programmes triennaux de
l’IRSS.
Les enquêtes seront
effectuées par les équipes de l’IRSS au niveau des deux districts retenus.
4.1
AU NIVEAU DES DISTRICTS
Seront identifiés les thérapeutes spécialisés dans la prise en charge
des maladies microbiennes et qui feront l’objet de l’enquête. Une part
privilégiée sera faite aux femmes en raison des cibles concernées par ces
maladies (femmes enceintes–enfants).
Les plantes médicinales utilisées, la fréquence d’utilisation, la
facilité de repérage géographique et la pathologie concernée seront des
critères de choix fondamentaux de cinq plantes.
L’enquête s’intéressera également à la perception de la maladie
microbienne par les tradithérapeutes, l’impact de la collaboration entre les
deux systèmes de santé, les méthodes de récolte des planes et de préparation
des recettes, les frais de traitement et les résultats acquis.
Les plantes feront l’objet d’une identification botanique pour leur
reconnaissance, classification et la revue de la littérature existante. Les
études à entreprendre se feront à partir de protocoles précis de recherche en
relation avec le type d’étude pour validation des recettes et évolution vers le
médicament de type moderne.
4.2
AU NIVEAU LABORATOIRE DE RECHERCHE
A partir des
plantes identifiées, seront entreprises :
-
Des études phytochimiques par screening classique à
partir des extractions selon la forme d’utilisation des tradithérapeutes ;
chimie analytique pour le contrôle des matières premières ; les produits
semi-finis et finis (libération – conservation), de fractionnements.
-
Les études pharmacotoxicologiques seront basées sur l’utilisation de tests
appropriés et faciles de réalisation qui s’exécutent à l’IRSS : tests
bactériologiques, parasitologiques, tests biologiques (immunohématologie) et
biochimie hépatique).
Ces tests
permettront de mettre en évidence l’infirmation ou la confirmation de l’usage
tradithérapeutique, les risques liés à l’administration non rationalisée, les
doses d’utilisation et doses toxiques (animaux de laboratoire : souris,
rats et lapins).
Des formulations et
présentations thérapeutiques seront réalisées sous forme de prototypes médicamenteux.
4.3
ESSAIS CLINIQUES
Ils se feront en relation étroite avec
l’équipe médicale des districts sur un suivi des traitements du
tradithérapeute, l’utilisation des prototypes avec des contre références au
niveau du CHN de Ouagadougou (Faculté des Sciences de la Santé) en respectant
les règles d’éthiques et déontologiques.
4.4
PRODUCTIONS DE MATIERES PREMIERES VEGETALES
Des essais de
culture des cinq plantes dans les stations expérimentales de l’IRSS seront
entrepris pour la connaissance du développement, des conditions de récolte sans
traumatisme préjudiciable et permettant une régénérescence aisée des parties
récoltées. Les conditions de culture mises en évidence seront transmises aux
groupements communautaires en particulier féminins pour la production en vue de
la vente, la protection de l’environnement et des espèces végétales.
Un herbier
droguier sera constitué et servira de support à la formation et reconnaissance
des plantes médicinales.
4.5
FORMATION DES TRADITHERAPEUTES
Des rencontres régulières seront organisées pour rétro information
devant permettre aux tradithérapeutes une meilleure connaissance de leurs
produits, et une amélioration dans la pratique : notion de formulation
améliorée, d’hygiène des médicaments et des limites de la pratique en fonction
des pathologies.
5.
RESULTATS ATTENDUS
5.1
AU PLAN SANITAIRE
Recensement des tradithérapeutes en
particulier féminins spécialisés dans la prise en charge des pathologies
microbiennes dans les deux districts.
-
Mise au point de phytomédicaments pour le traitement des maladies
parasitaires, infectieuses et connaissance des recettes utilisées pour les
maladies opportunistes du SIDA/VIH ;
-
Prise en compte de ces médicaments dans la liste des médicaments essentiels
du Burkina ;
-
Amélioration voire renforcement de la collaboration entre les deux systèmes
de santé.
5.2
AU PLAN ECOLOGIQUE
Contribution à la sauvegarde du paysage
naturel par :
-
La culture des plantes sélectionnées et des méthodes rationalisées de
cueillette ;
-
La sensibilisation des populations des deux sites d’étude aux notions de
biodiversité et de gestion intégrée (maintien et régénération) des ressources
naturelles.
5.3
AU PLAN SOCIO-ECONOMIQUE
-
Mise à la disposition des populations de phytomédicaments efficients
-
Amélioration financière dans les structures par la vente des
médicaments
-
Création d’activités rémunératrices pour les femmes
-
Renforcement de l’expertise locale en matière de promotion de médecine et
pharmacopée traditionnelles
5.4
AU PLAN SCIENTIFIQUE
-
Renforcement de l’expertise et des capacités de l’IRSS
-
Diffusion des résultats de recherche
-
Formation de chercheurs, médecins, pharmaciens et biologistes.
6.
PARTENAIRES AU PROJET
-
Université Libre de Bruxelles (ULB)= Partenaire scientifique de l’IRSS pour
les études fines complémentaires ;
-
Institut de l’Environnement et des Recherches Agricoles (INERA) :
Botanique-Agronomie ;
-
Institut des Sciences des Sociétés (INSS) : Socio-économie et
sociologie ;
-
Faculté des Sciences de la Santé (FSS) : Médecine-Pharmacie ;
-
Centre Hospitalier National – Yalgado OUEDRAOGO (CHN – YO) : Essais
cliniques.
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