MEDECINE
TRADITIONNELLE ET PLANTES MEDICINALES AU TOGO
RESUME
Au Togo,
l’intégration de la médecine traditionnelle a évolué suivant les différentes
époques de l’histoire. La période pré-coloniale était celle de la gloire, les
guérisseurs et sorciers, les premiers à posséder ce savoir, étaient craints et
respectés. La situation sera différente avec l’arrivée des colons qui n’ont
jamais toléré l’exercice de la médecine traditionnelle sur le territoire
national. Les guérisseurs étaient contraints d’opérer en clandestinité. Plus
tard, vers les années 60, on a assisté à un revirement de la situation grâce à
l’intervention des guérisseurs botanistes et docteurs qui ont entouré la
médecine traditionnelle de nombreuses étiquettes de recherche et l’ont adaptée
aux réalités temporelles et spatiales. Ce noble art ancestral connaît
actuellement une réelle couverture et une participation effective des autorités
des soins de santé. Cette collaboration a enrayé la grande confusion et le
mythe qui entouraient l’herboriste, le guérisseur et le ritualiste. Les
autorités togolaises ont de leur part marqué une réelle volonté de promouvoir
la médecine et la pharmacopée traditionnelle en favorisant les missions de
recensement des guérisseurs et des plantes médicinales et leur habitat à
travers le territoire national. Il a été créé auprès de l’Office National des
Produits Pharmaceutiques (TOGOPHARMA) des laboratoires spécialisés dans la
recherche en médecine traditionnelle, ses pharmacopées et ses thérapeutiques,
dont le Centre Togolais de Médicaments Traditionnels (CENTOMETRA). D’autres
efforts concernent la création d’une Commission chargée de l’étude approfondie
de la situation de la médecine traditionnelle et des approches scientifiques de
sa rénovation, au sein du Comité International de Recherche pluridisciplinaire
de technologie appliquée (COMINTER) et de l’Association Nationale des
Thérapeutes Traditionnelles (ANTT) en 1985 qui est devenue plus tard
l’Association Nationale des Ethno-Médecins (ANET) en 1996. Toutes ces initiatives
montrent qu’il y a actuellement l’unanimité qu’à la reconnaissance de
l’importance de la médecine traditionnelle et ses pharmacopées, en particulier
les plantes médicinales, au Togo.
INTRODUCTION
La médecine
traditionnelle est définie comme étant l'ensemble de toutes les connaissances
et pratiques dont le soignant ou thérapeute se sert pour diagnostiquer,
prévenir ou éliminer un déséquilibre physique, mental ou social en s'appuyant
sur l'expérience vécue et l'observation transmise de génération en génération
par l'oralité et de plus en plus par l'écriture. Elle s'adresse à l'homme total
dans toutes ses dimensions et en relation avec le cosmos. Elle était pratiquée
en général au niveau de chaque famille par les ascendants entre eux et pour les
descendants malades. Souvent les connaissances relatives à la médecine
traditionnelle ont des dépositaires plus ou moins notoirement connus au sein de
la famille ou du village, des communautés plus importantes où ils jouent à des
degrés divers le rôle de soignants simples, d'herboristes, de thérapeutes plus
moins formés et initiés.
Le guérisseur
est, par conséquent, une personne reconnue par la collectivité dans laquelle il
vit. Il est compétent pour dispenser des soins de santé et recourt à une ou
plusieurs substance(s) d’origine naturelle (appelées drogues naturelles); c’est
à dire constitués soit à partir des végétaux (drogues végétales), soit à partir
des animaux (drogues animales), soit à partir des minéraux (drogues minérales)
ou soit un mélange de tels éléments.
A l'époque
pré-coloniale, le guérisseur traditionnel était seul à aider la population pour
ses problèmes de santé. Aujourd'hui, malgré l’avènement de la médecine moderne,
les populations se soignent toujours par les médicaments traditionnels à cause
de l’inexistence des hôpitaux et dispensaires dans leurs milieux et de
l’augmentation du coût des médicaments modernes couplée à la diminution du
pouvoir d'achat.
L’intérêt de la
médecine traditionnelle est de plus en plus reconnu dans les politiques de
développement. Les facteurs militants en sa faveur sont entre autres la
richesse et la diversité de la flore et l’existence des connaissances
traditionnelles incontestables au sein des communautés locales en matière des
plantes médicinales. En Afrique, les remèdes à base des plantes soulagent des
millions de personnes, dont une grande partie formée par les communautés
locales. C’est pourquoi l’OMS compte beaucoup sur leur apport dans la
couverture des soins de santé primaire au cours du troisième millénaire.
Malheureusement
les progrès accomplis dans le cadre de la réhabilitation de la médecine
traditionnelle et des plantes médicinales ne sont pas les mêmes au niveau de
tous les Etats. Certains n'ont même pas encore entièrement répondu aux attentes
de l'O.M.S et de leurs populations.
Qu'en est-il du Togo? Tel est l'objet de ce travail qui vise à mener une
réflexion sur les éléments, enjeux et perspectives des plantes médicinales et
de la médecine traditionnelle dans ce pays. Le travail est divisé en trois parties
à savoir :
- l’aperçu et le
contexte de la situation socio-économique et santé publique du Togo;
- l’évolution et
les perspectives de la médecine traditionnelle à base des plantes au Togo;
- les plantes
médicinales les plus utilisées au Togo.
Enfin, il est
prévu à la fin une conclusion générale.
I. APERCU ET CONTEXTE DE LA SITUATION SOCIO-ECONOMIQUE
ET SANTE PUBLIQUE.
Situé sur le
Golfe de Guinée en Afrique de l'Ouest, le Togo s'étend sur une superficie de 56
600 km². Il est limité au Sud par l'Océan Atlantique, au Nord par le Burkina
Faso, à l'Est par le Bénin et à l'Ouest par le Ghana. Le pays est peuplé de 4
200 000 habitants, le revenu par tête est de 310 $ E.U. en 1996. L'agriculture
représente 35% du PIB et emploie environ 75% de la population active.
Le Togo traverse
actuellement une crise socio-économique qui a commencé dans les années 80 à la
suite de la mise en œuvre des Programmes d'Ajustement Structurel (PAS) qui ont
entre autres mesures, conduit à la réduction des dépenses publiques. Cette
dernière a négativement affecté le niveau des prestations des services
concernés dans les domaines de l'éducation, la formation, la santé, l'emploi,
etc. La situation a commencé à se redresser progressivement quand la crise
socio-politique du début des années 90 a arrêté cette tendance et mis les
secteurs sociaux dans une situation encore plus difficile. Mais l’amélioration
constatée avec la reprise économique amorcée en 1994 a connu un nouveau
fléchissement en 1998.
Cette situation
a eu des impacts négatifs sur la santé des populations. En raison des
difficultés financières, l'Etat n'a pas réussi à mettre à la disposition des
formations sanitaires publiques les moyens nécessaires à leur fonctionnement
adéquat. Ainsi, les services fournis par ces formations sanitaires restent
encore en deçà de leur niveau d'avant la crise. Le secteur est caractérisé par
: une augmentation du taux de mortalité, un manque de médicaments et de
consommables médicaux, de matériels et d'équipement en particulier dans les formations
sanitaires publiques en zones rurales et périurbaines, une dégradation des
infrastructures du secteur (près de 90 %), une insuffisance et une répartition
inadéquates du personnel. La couverture sanitaire est loin d’être
satisfaisante, surtout en milieu rural.
La plupart des
indicateurs de conditions de santé placent le Togo en dessous de la moyenne des
pays en développement. La prévalence de certaines maladies évitables, telles
que le paludisme, les affections respiratoires et la diarrhée, est forte. La
morbidité se caractérise par une prédominance des maladies infectieuses et
parasitaires (53,5 % en 1992 et 23,30 % en 1993) au premier rang desquelles se
trouve le paludisme avec 37% des cas en 1993. Les autres causes de morbidité
sont : les plaies et traumatisme (10 %), les maladies diarrhéiques (9 %) et les
infections respiratoires aiguës (8 %). Les affections dont souffre la
population sont engendrées ou entretenues par des facteurs en rapport avec
l'approvisionnement en eau potable et l'assainissement du milieu, des
déficiences nutritionnelles, les pratiques d'hygiène individuelle et collective
néfastes à la santé, l'ignorance, le faible pouvoir d'achat des populations
pour faire face aux soins de santé. La couverture vaccinale est faible, 46%, ce
qui est bien en dessous de l’objectif de 80% que le Gouvernement s’est fixé
pour la fin de la décennie 1990. La faiblesse de la couverture vaccinale est
sans doute l’une des causes de la forte mortalité infantile et infanto-juvénile
dont les taux en 1995 sont respectivement de 90 et 191 pour mille.
Depuis la
dévaluation du franc CFA, l’utilisation de plantes médicinales s’est accrue
sans contrôle avec un développement sans précédent de l’ethno-médecine sans
encadrement. Cette anarchie suscite des interrogations dont il convient de
répondre en examinant l'historique et les actions déjà menées en faveur de
l'intégration officielle de la médecine traditionnelle au Togo.
II. EVOLUTION
ET PERSPECTIVES DE L’ART DE GUERIR PAR LES PLANTES AU TOGO.
La médecine traditionnelle
a évolué suivant différentes époques de l’histoire à savoir : l’ère coloniale
et la période d’après l' indépendance.
2.1. La période pré-coloniale
A cette époque,
caractérisée par l’absence des services modernes de santé, les populations échappaient
aux maladies grâce à la médecine traditionnelle : ce fut l’ère de gloire de la
guérison ancestrale par les racines, les écorces, les tiges, les feuilles, les
fruits et essences et des moyens spirituels. La médecine traditionnelle remonte
donc de l’antiquité au temps où l’homme pour survivre dans un environnement
hostile, était astreint à observer et étudier la nature afin de se faire livrer
les secrets des plantes médicinales. Les premiers à posséder ce savoir (
guérisseurs et sorciers) étaient craints et respectés.
Dans cette
connaissance des plantes médicinales, les animaux sauvages ou domestiques et
les oiseaux ont joué un rôle très important. Ils furent les informateurs des
hommes dans ce domaine. Les vieux sages ont donné la même version mais ils
mentionnent aussi l’importance du rôle joué par les grands chasseurs qui
rapportaient les nouvelles de leurs parties de chasse et leur surprise devant
le fait qu’une bête ait pu manger telle plante jusque-là jamais vu, que tels
oiseaux pu manger le fruit de tel arbre ainsi de suite et que cela a eu tel
effet sur la santé de l’animal.
La transmission
de ces secrets se faisait de génération en génération essentiellement par
tradition orale (Père - Fils, Oncle - Neveu) au sein d’une famille; par les
contes, les légendes, les chansons populaires, les proverbes, les griots, etc.
Ainsi pour guérir telle ou telle maladie, l’africain se préoccupe beaucoup des
causes provocatrices de celle-ci. Pour se faire, les troubles de comportement
étaient attribués à la sorcellerie par exemple, pour traiter la diarrhée ils
utilisaient les feuilles de psidium Guajava, le fagara zanthoxyloides pour le
cure dent et le traitement de la drépanocytose, les racines de fagara
zanthoxyloides du quinquina pour traiter la malaria.
2.2.. La période coloniale
A cette époque,
les administrateurs blancs méprisaient les médicaments traditionnels. Les
autochtones se cachaient pour continuer leurs pratiques ancestrales. Mais
malgré cette lutte acharnée que menaient les européens contre la médecine et la
pharmacopée traditionnelles pendant cette période, ils ont collecté des
recettes qui ont été par la suite valorisées en Europe puis commercialisées
sous forme galénique moderne dans le monde entier. Certains chercheurs, par
contre, ont tissé des amitiés avec ces thérapeutes traditionnels ou ont profité
de leur confiance pour exploiter et exporter leur savoir. Malgré la gratuité
des soins modernes introduits par les colons et malgré leurs efforts de leur
imposer ceux-ci, la médecine traditionnelle contribue énormément au succès des
soins de santé. L’école coloniale n’a donc que peu enseigné les recettes de
cette médecine, ses secrets étant jalousement gardés par les thérapeutes
africains.
2. 3. La période post-coloniale
A l’étape
néo-coloniale, l’histoire montre les stigmates de la colonisation sur la
médecine et la pharmacopée traditionnelle. Nous citons entre autres : le
changement de mentalité de l’homme noir. En effet la plupart des cadres formés
à l’école coloniale étaient retissant envers tout ce qui était médecine et
pharmacopée traditionnelles, considérant le savoir du Blanc comme meilleur au
sien qu’ils considéraient comme malsaine, et l’apanage de la sorcellerie; les
textes tolèrent timidement aussi l’exercice de cette médecine et pharmacopée
traditionnelles. Les années 60 sont donc considérées comme période de
redémarrage de la médecine traditionnelle au Togo. Les guérisseurs botanistes
et docteurs commencent par amorcer une nouvelle approche du noble art
ancestral. Ils l’ont entouré de nombreuses étiquettes de recherche et l’ont
adapté aux réalités temporo-spatiales. On peut citer par exemple : Ahyi
Amakoué, Ocloo Wotodjo, Sessou Messanvi, Amévor Komlan, Lakassa Essossiminam,
Aménouvé Koffi Téko, Hodouto Koffi-Kuma, Kéoula Yao, Siamévi Komlan, d’une part
et Gbéassor Messanvi, Taffamé Kouma, Dr Kekeh Koffi, Dr Drufrenot Max, Dr
Amedome Afantchao Antoine d’autre part. Ces personnages ont permis la rencontre
entre anciens et modernes.
C’est ainsi
qu’en 1974 se tint la première rencontre entre les Thérapeutes Traditionnels
venus de toutes les Préfectures du Togo; et les médecins pharmaciens,
vétérinaires, infirmiers, dentistes, sages-femmes, agents techniques à Lomé
sous l’égide du Ministre de la Santé Alidou DJAFALO. Petit à petit, on note vers
les années 1978 une volonté de promouvoir la Médecine et la Pharmacopée
Traditionnelles (texte de création de l’ATRS) INRS. En 1979 les autorités
gouvernementales ont appuyé cette action en favorisant les missions de
recensement des Guérisseurs et des Plantes Médicinales et leur Habitat à
travers le territoire national. Il a été créé auprès de l’Office National des
produits pharmaceutiques (Togopharma), un laboratoire spécialisé dans la
recherche en médecine traditionnelle dirigée par le Docteur HODOUTO. Par
ailleurs, et toujours sous l’égide de Togopharma, un autre laboratoire de
recherche, le Centre Togolais de Médicaments Traditionnels (CENTOMETRA) a été
créé et placé sous la tutelle du Ministère de la Santé Publique et des Affaires
Sociales.
Dans cette
ambiance de progrès, une série d’activités a été engagée à l’Université du
Bénin (UB) Lomé-Togo. Nous citerons les travaux du Professeur de physiologie
végétale JOHSON Kouavi qui présente une thèse sur le Byrsocarpus coccineus, le
Professeur ADJANGBA l’un des premiers chercheurs chimistes à se pencher sur
l’étude de quelques plantes médicinales.
Les efforts
déployés par le gouvernement togolais dans le but d’apporter une contribution
substantielle au développement de la médecine traditionnelle, ses pharmacopées
et thérapies sont concrétisés par la mise en place d’un Comité International de
Recherche Pluridisciplinaire de Technologie Appliquée (COMINTER) au sein duquel
existe une Commission santé-pharmacopée, chargée de l’étude approfondie de la
situation de la médecine traditionnelle et des approches scientifiques de sa
rénovation.
La médecine
traditionnelle et ses pharmacopées connaissent au Togo une réelle couverture et
une participation effective des autorités des soins de santé par le biais d’un
service de coordination entre elles et la médecine moderne. Ce qui est un point
essentiel dans le processus de la structuration et de la collaboration des deux
entités médicales. Il n’est pas rare de rencontrer aujourd’hui un médecin dit
moderne travailler en collaboration avec un thérapeute traditionnel. Cette
collaboration porteuse de promesses fructueuses et sécurisantes a, d’une
manière ou d’une autre, enrayé la grande confusion et le mythe qui entouraient
l’herboriste ou un simple colporteur de plantes médicinales, le thérapeute et
ritualiste.
2.4. Récentes
Promotions de la Médecine Traditionnelle au Togo.
Sous la pression
des thérapeutes traditionnels et de la demande des utilisateurs, le
gouvernement et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) se concertent pour la
mise sur pied des structures de revalorisation.
a) De l’organisation d’un séminaire pour promouvoir la
médecine traditionnelle.
Le gouvernement
togolais a réuni à Lomé sous la supervision de l’OMS un séminaire dont
l’objectif était : « la définition de la politique nationale de médecine
traditionnelle » et la restructuration des acteurs de la médecine
traditionnelle. De cette rencontre a jailli l’idée de la création d’une
Association Nationale des Thérapeutes Traditionnels (ANTT) qui a vu le jour en
1985. Sous l’insistance d’un certain nombre de membres de l’ANTT, un Congrès de
cette Association s’est tenu à Lomé du 29 au 30 Avril 1996. A l’issue de ce
Congrès, l’ANTT change de dénomination et devient l’ANET (Association Nationale
des Ethno-médecins du Togo).
La volonté du
gouvernement togolais en vue d’une revalorisation effective de la médecine
traditionnelle et les efforts des tenants de la médecine traditionnelle ont
abouti à l’organisation du séminaire atelier sur le partenariat entre le
Ministère de la Santé et les Thérapeutes Traditionnels, tenu du 15 au 18
septembre 1998 à l’INFA de Tové à Kpalimé, sous le haut patronage du Ministre
de la Santé et sous la présidence du Professeur AMEDEGNATO Degno, Chef du
Service National de la Médecine Traditionnelle. Ce séminaire marque le
couronnement du travail abattu sur le terrain par un certain nombre de centres
de recherche de référence à la fois modernes et traditionnels qui oeuvrent pour
la valorisation de la médecine traditionnelle togolaise.
Au cours de ces
assises qui ont duré une semaine, les différents partenaires de la Médecine
Traditionnelle et de la Médecine Moderne ont ensemble débattu sur les points
suivants :
- Problématique
du partenariat entre le ministre de la santé et le secteur de la médecine
traditionnelle;
- Proposition et
analyse du contenu de l’avant projet de la politique nationale de la médecine
traditionnelle;
- Analyse du
contenu des projets de textes devant servir de cadre juridique de la médecine
traditionnelle;
- La mise en
place d’un mécanisme de suivi des décisions.
A l’issu du
séminaire, un constat s’est dégagé à savoir que : la médecine traditionnelle au
Togo était une réalité sur le plan social, culturel et sanitaire et qu’elle
connaissait son plein développement sur le plan scientifique et technique.
C’était l’occasion d’apprécier le travail effectué par quelques centres de
référence qui depuis des années déjà effectuaient un travail remarquable de
recherche expérimentale et appliquée dans le domaine de la médecine
traditionnelle. Parmi ces centres, on peut citer les plus importants à savoir :
- Le Laboratoire
de Botanique et de Recherche Appliquées sur les Thérapeutiques Naturelles
(LABORATHENA);
- Le Centre de Recherche Pharmacologique Appliquée sur les Plantes
Thérapeutiques Africaines (CERPHA¨PLATA);
- Le Centre
AMELAGAN;
- Le Centre de
recherches scientifiques pour la préparation des médicaments à base des plantes
(Centre ORIDA).
Au-delà de ce
point appréciable, on notait l’urgence de formalisation et de réglementation de
la médecine traditionnelle afin de palier au manque d’expertise en la matière
et de permettre ainsi la pleine intégration de la médecine traditionnelle aux
soins de santé primaire au Togo, ceci pour un véritable partenariat. Ainsi, les
recommandations du séminaire atelier de Kpalimé ont porté sur les points
suivants :
- Invitation des
autorités à persévérer dans leurs efforts pour promouvoir le cadre
institutionnel en matière de recherche sur la médecine traditionnelle;
- Elaboration
d’un programme décennale ou quinquennal en matière de médecine traditionnelle;
- Prise en
compte de médecine traditionnelle dans le système éducatif du pays;
- La promotion
de la médecine traditionnelle au Togo par des organismes nationaux et
internationaux qui doivent fournir une assistance technique et financière;
- Etude et
adoption d’une définition consensuelle des termes utilisés en matière de
médecine traditionnelle;
- Prise en
compte des aspects rituels de la médecine traditionnelle dans le document final
de politique;
- Institution
d’une décennie nationale de la médecine traditionnelle;
- Mise en place
d’une pharmacopée traditionnelle nationale;
- Autorisation
des essais cliniques des médicaments traditionnels au Togo;
-. Mise en place
d’un comité de suivi et de gestion des résolutions et recommandations de
l’atelier.
b) Mise en oeuvre des recommandations du séminaire :
Suite au
séminaire atelier sur le partenariat entre le Ministère de la santé et de la
médecine traditionnelle, et contrairement à l’esprit de lenteur du processus de
mise en oeuvre des résolutions des assises dont souffre les institutions
africaines, le développement du processus de réglementation de la médecine
traditionnelle s’est accéléré. C’est ainsi que sur le plan gouvernemental, un
projet de loi relatif à l’exercice de la médecine traditionnelle au Togo est
adopté en conseil des ministres le 4 novembre 1998 et se trouvent pour le
moment sur la table de l’assemblée nationale.
Sur le plan
académique, des mémoires ont été soutenus à l’université du Bénin en Décembre
1999 sur les médicaments génériques et plantes médicinales africaines. Sur le
plan des institutions de recherche, un travail a continué à se développer avec
cette fois-ci plus de sécurité. On note entre autres : un programme de
protection de l’environnement, de conservation et de sauvegarde des plantes
médicinales menacées de disparition au Togo initié et réalisé par le
CERPHAPLATA et « Les Amis de la Terre-Togo ». D’autres programmes
tels que : « L’éducation sur les plantes médicinales en milieux
scolaires » sont également en cours de réalisation par d’autres acteurs.
III. LES PLANTES MEDICINALES LES PLUS COMMUNEMENT
UTILISEES ET LEURS USAGES.
Des efforts ont
été menés aussi dans le cadre des inventaires des plantes médicinales. Dans ce
cadre, outre les travaux de la mission éthno-botanique et floristique effectués
au Togo, du 9 juillet au 14 août 1984 grâce au financement de l’ACCT, qui ont
permis de recenser 348 plantes médicinales, un autre inventaire éthno-botanique
a été réalisé par le CERPHAPLATA afin de quantifier les plantes médicinales les
plus utilisées par rapport à leurs zones de peuplement. Il ressort de cet
inventaire que les plantes médicinales sont diversement peuplées en fonction
des différentes régions du Togo. L’enquête relève non seulement leur importance
vitale pour les soins de santé mais aussi et surtout leur perte croissante en
raison de la surexploitation et la destruction de leur habitat.
Une liste
nominative des plantes médicinales et aromatiques les plus menacées de
disparition du Togo et par conséquent les plus utilisées est disponible au sein
du CERPHAPLATA. Nous nous limiterons dans le cadre de cette étude à présenter
quelques plantes médicinales les plus utilisées, leurs noms botaniques, leurs
noms vernaculaires, les symptômes traités ainsi que les organes utilisés.
Nom botanique de la plante
|
Noms vernaculaires de la plante (Ewé ou Mina)
|
Symptômes
|
Organes utilisés
|
Adansonia
digitata
|
Adidoti
|
Anémie
|
Feuilles
jeunes
|
Euphorbia hirta
|
Notsigbé
|
Dysenterie
|
plante entière
|
Fagara
zanthoxyloïdes
|
Heti
|
Maux de dents
Odontalgie
|
Ecorces des
racines/fruits
|
Kegelia africana
|
-
|
Blénorragie
|
Ecorce
|
Khaya senegalensis
|
Mahogeni
|
Anémie
|
Ecorce du
tronc
|
Luffa
cylindrica
|
Yovokutsa
|
Affection de
la peau
|
Feuilles
|
Momordica
charantia
|
Kakla
|
Otalgie (otite
compris)
|
Feuilles
|
Newbouldia
laevis
|
Akoukoti
|
Fièvres
|
Feuilles
|
Ocimum
|
Adegbessu
|
Brûlures
|
Feuilles
|
Parkia
biglobosa
|
-
|
Toux, rougeole
|
Ecorce du tronc, feuilles
|
Phyllantus
amarus
|
Hlivi
|
Plaies
intestinales (ulcère)
|
Plante entière
|
Rauwolfia
vomitoria
|
Doadrekemakpowoe
|
Insomnie
|
Feuilles
|
Securinega
virosa
|
-
|
Blénorragie
|
Racines
|
IV. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
La médecine
traditionnelle devient de plus en plus une réalité vivante dans la communauté.
Il est réconfortant de constater la volonté du gouvernement qui accorde plus
d’attention à ce secteur d’activité. Des dispositions se prennent pour
concrétiser davantage les efforts de réorganisation et d’élaboration d’un
véritable processus de rénovation de la médecine traditionnelle.
Il est à
féliciter la mise en place, au Togo comme dans plusieurs pays africains, d’un
cadre juridique et réglementaire permettant l’exercice et l’intégration de la
médecine traditionnelle aux soins de santé. Il est également à apprécier l’organisation
interne des différents acteurs de la médecine traditionnelle au sein des
associations et des institutions de recherche, ce qui, par conséquent, entraîne
une résurgence de confiance au sein des populations qui trouvent, par le biais
de la médecine traditionnelle, un moyen de recours plus adapté à leur milieu de
vie et à leurs moyens matériel et financier.
De cette prise
de conscience collective, on note un véritable danger quant à l’utilisation
rationnelle de la matière première dont utilise les opérateurs delà médecine
traditionnelle, à savoir les plantes médicinales. Ces dernières, qui en
fonction des différentes sollicitations dont elles font l’objet, sont menacées
de disparition. C’est ici le lieu d’apprécier d’une façon particulière des initiatives
de certains centres de recherche et de personnalités indépendantes dans le
cadre de la création et de l’entretien de jardins botaniques (exemple de jardin
du CERPHAPLATA d’une superficie de 67 ha alimenté par une retenue d’eau de 1800
mètres cubes) ainsi que des campagnes de reboisement ( exemple des reboisements
effectués chaque année par « Les Amis de la Terre-Togo » dans le
cadre de son programme des camps chantiers de volontaires internationaux).
Malgré les
différentes avancées de la Médecine traditionnelle au Togo, il est opportun de
mettre un accent sur un certain nombre de points sous forme de recommandation
adressées à tous les acteurs de la société.
=> aux autorités gouvernementales et
administratives :
·
- Accélérer les modalités
d’adoption de la loi portant exercice de la médecine traditionnelle au Togo par
l’Assemblée Nationale;
·
- créer au sein de l’Université
du Bénin une filière de phytothérapie dans la faculté mixte de médecine et de
pharmacie en vue de former les jeunes étudiants;
·
- créer et encourager des
projets de culture des plantes médicinales qui sont peu abondantes et rares;
·
- Utiliser les moyens
nécessaires pour veiller au développement et à la protection de ces plantes
médicinales;
·
- Informer et former la
population à identifier les plantes médicinales;
·
- Appuyer matériellement et
financièrement les initiatives privées en matière de médecine traditionnelle.
=> aux personnels de santé :
·
- Travailler en collaboration
avec les thérapeutes traditionnels;
·
- Etudier au laboratoire les
phyto-médicaments pour les indiquer aux patients nécessiteux à la place des
médicaments génériques sans crainte ou inquiétude de toxicité;
·
- Améliorer le mode de
préparation des médicaments chez les thérapeutes traditionnels.
=> à la population :
·
- Respecter et protéger les
plantes médicinales;
·
- Utiliser les plantes
médicinales en commun accord avec les thérapeutes traditionnels afin d’éviter
les dangers d’intoxication;
·
- N’utiliser jamais les
médicaments pharmaceutiques au même moment que les phyto-médicaments.
=> aux thérapeutes traditionnels :
·
- Améliorer les conditions de
traitement en demandant les analyses médicales aux patients;
·
- Suivre les formations
médicales pour mieux spécifier les diagnostics;
·
- Prévoir un contrôle médical
après chaque traitement possible;
·
- Créer et améliorer les
laboratoires de conservation et de fabrication des phyto-médicaments.
=> à tous :
·
- La Protection et la
sauvegarde des plantes médicinales. afin d’assurer que les générations futures
en disposent en quantité adéquates et durables.
En effet, l’appui et le choix de la valorisation de la médecine
traditionnelle est un atout non négligeable pour le développement
socio-économique du Togo. Toutes contributions allant dans ce sens doivent
aboutir aux avantages économiques certains permettant une réelle libération de
nos populations vis à vis des facteurs aliénants exogènes car les pratiques
médicales traditionnelles concourent au développement économique, social et
culturel réellement auto-centré, endogène et indépendant. Ces choix ne feront
que renforcer le principe de compter d’abord sur nos propres forces pour
s’auto-développer en tirant au maximum partie de nos ressources
intellectuelles, culturelles, naturelles et financières. Aux uns et aux autres
de jouer pour en tirer la meilleure partie
de notre patrimoine socio-culturel qu’est la médecine traditionnelle.
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11 HODOUTO K.K, AHYI A.M.R, AMETSIFE A. Mensah, GBEASSOR M. : Etude de la double activité antimicrobienne
et antidiarrhéique de quelques plantes utilisées en médecine traditionnelle au
Togo, Lomé, 1985.
12. ZAMBOU Céline-Chantal : Contribution
à l’étude de la médecine tradtionnelle au Togo (mémoire ), Université du
Bénin, Lomé,1990.
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