PLANTES MEDICINALES
ET MEDECINE TRADITIONNELLE RWANDAISE
Janvier 1998 – Décembre 2003
Association Rwandaise des
Ecologistes
ARECO – RWANDA NZIZA
A.S.B.L.
B.P. 1.509 – KIGALI
Tél. 8 54 15
7 70 94
1.
INTRODUCTION
Au Rwanda, la médecine traditionnelle
occupe une grande place dans les prestations sanitaires. Elle joue un rôle
capital dans les soins de santé primaires et son influence sur l’ensemble de la
population est très considérable. En effet, depuis les temps ancestraux, chaque
famille Rwandaise connaissait l’une ou l’autre plante ou organe animal utilisé
dans la médecine traditionnelle et y recourait régulièrement en cas de maladie.
En cas d’incapacité familiale, on faisait appel aux guérisseurs de profession.
Avec l’implantation des cultures
importées en coïncidence avec le colonialisme et de la médecine moderne, une
hostilité s’est manifestée à l’égard des guérisseurs traditionnels et leurs
pratiques furent rejetées en bloc par le pouvoir colonial qui les qualifiait
d’actes fétiches et anti-chrétiens. Malgré ce climat peu favorable à la
médecine traditionnelle, les tradipraticiens n’ont pas été découragés car ils
ont continué leurs pratiques dans la clandestinité et la population n’a pas
cessé de recourir à cette thérapeutique dont elle avait en grande estime.
Avec l’avènement de l’Indépendance
Rwandaise à partir de 1962, le Rwandais a ressenti le besoin de retrouver son
identité socioculturelle : la médecine traditionnelle, partie intégrante
de cet héritage devait s’épanouir grâce à ce retour aux sources d’autant plus
que la population n’avait jamais cessé de s’y accrocher. Quant au Gouvernement
Rwandais, il n’a pas cessé de manifester son intérêt pour la promotion et le
développement de la médecine traditionnelle par une assistance aux initiatives
des groupes de chercheurs et de guérisseurs.
C’est ainsi qu’en 1974 est né à Butare
au sein de l’Université Nationale du Rwanda (UNR), le Centre Universitaire de
Recherche sur la Pharmacopée et la Médecine Traditionnelle (CURPHAMETRA), créé
par un groupe de chercheurs ; l’objectif principal étant l’étude des plantes
médicinales et la promotion de la pharmacopée nationale. A coté de la
recherche, ce centre assurait l’encadrement de quelques guérisseurs dont les
chercheurs exploitaient scientifiquement le savoir-faire.
En 1976 fut créé à Kibungo le Centre de
médecine Traditionnelle de Bare, par un groupe de guérisseurs dirigé par un
prêtre-guérisseur. Au même moment, les guérisseurs de tous les coins du pays
remettent au grand air la pratique de la médecine traditionnelle. Dans le cadre
de la promotion de cette médecine, le Gouvernement Rwandais a mis en place en
1985 une commission chargée d’élaborer un avant-projet de loi portant
organisation de la médecine traditionnelle. L’avant-projet fut examiné en 1991
par le comité interministériel de coordination technique mais n’a jamais été
finalisé pour sa publication et son application jusqu’aujourd’hui. Par ailleurs
en 1989, le Gouvernement Rwandais a lancé un recensement national des
tradipraticiens à travers tout le pays. Celui-ci a révélé que leur nombre
approcherait dix mille dont 10 groupements et 16 guérisseurs isolés.
Avec les événements de 1994 qui ont
sérieusement secoué le Rwanda, tous les acquis ont été bouleversés ; la
guerre a non seulement emporté de nombreuses vies des chercheurs et des
tradipraticiens, mais aussi détruit les écosystèmes, infrastructures, etc. Au
cours de la période de l’après-guerre, le Ministère de la Santé a essayé de
relancer les activités de suivi du système médicale traditionnelle mais éprouve
beaucoup de difficultés liées au manque de ressources humaines, matérielles et
financières.
Actuellement, ce Ministère a pu visiter
seulement un groupement de guérisseurs et a déjà échangé des correspondances
avec deux autres ainsi qu’avec 14 guérisseurs isolés. Dans ces correspondances,
les tradipraticiens sollicitent une reconnaissance officielle et un soutien
financier. Ils reçoivent une réponse d’encouragement leur demandant de
poursuivre leurs activités dans le milieu où ils sont reconnus et appréciés par
la population en attendant l’adoption de la loi portant organisation de la
médecine traditionnelle.
La
politique sanitaire nationale actuelle est basée sur les soins de santé
primaires dispensés avec équité dans le cadre d’un système de santé intégré.
Néanmoins, le Gouvernement reconnaît qu’une grande partie de la population
recourt aux services de la médecine traditionnelle et encourage celle-ci à
s’organiser.
1.
CONTEXTE
DU PROJET
Dans son plan de travail quinquennal 1998-2003,
l'Association Rwandaise des Ecologistes, ARECO-RWANDA NZIZA s'est fixé comme
objectif le renforcement des capacités des communautés locales à s'organiser en
associations/groupements afin de profiter des acquis de la médecine
traditionnelle rwandaise ainsi qu'à l'amélioration de la participation de
celles-ci à la gestion et à la conservation de la biodiversité.
Comme ci-haut mentionné, le domaine de la médecine
traditionnelle appartient aux communautés locales et constitue la principale
source des soins de santé primaires pour un bon nombre de Rwandais. La tendance
actuelle de la politique gouvernementale à rendre payant les soins de santé
traduit l'incapacité de l'Etat Rwandais à assurer une prestation de services de
qualité à un prix acceptable à tous et notamment aux personnes les plus
vulnérables et les plus pauvres. Hormis les frais de transport et le coût élevé
des médicaments, à la campagne tout comme en milieu urbain, il faut parfois
voyager pour atteindre le dispensaire, l'hôpital ou la pharmacie les plus
proches. Toutes les approches du projet contribueront à pallier la carence des
médicaments importés trop coûteux et à optimiser la couverture sanitaire du
pays où les moyens sanitaires font défaut. Cependant, faute de loi cadre
portant organisation de la médecine traditionnelle, celle-ci reste peu
exploitée par la médecine moderne au Rwanda.
Le centre de santé devrait constituer l'interface entre
la médecine moderne et la médecine traditionnelle. Dans ce sens, l'utilisation
des ressources de la médecine traditionnelle est préconisée pour promouvoir la
santé de la population en insistant sur la complémentarité et la collaboration
entre les tradipraticiens et les systèmes sanitaires périphériques.
Sur base des réalités du pays, il faut tenir compte que
les tradipraticiens utilisent diverses connaissances dans les préparations des
recettes médicinales et dans l'administration de celles-ci à des patients
concernés. Ainsi, les renseignements fournis par les tradipraticiens révèlent
que les communautés locales ont besoin non seulement de bénéfices à long terme,
mais aussi des gains à court terme provenant de leurs activités relatives à
l'utilisation de la médecine traditionnelle, de la pharmacopée et des plantes
médicinales locales.
Il est à rappeler que les événements d'avril-juillet 1994
ont profondément bouleversé tous les acquis antérieurs (destruction des
écosystèmes, disparition des tradipraticiens, etc.) de la médecine
traditionnelle rwandaise et beaucoup d'efforts devront être fournis pour sa
réhabilitation.
Les actions d'ARECO-RWANDA NZIZA devront contribuer à
l'organisation des associations locales des tradipraticiens dans l'objectif de
tirer profit de leur savoir-faire et de les aider à utiliser et à gérer les
ressources naturelles de la biodiversité pour subvenir à leurs besoins en
matière de santé et de protection de l'environnement.
Situation escomptée à la fin du projet
a.
Les communautés locales, les populations locales et les tradipraticiens
seront sensibilisés, formés et informés sur l'utilisation rationnelle et
efficiente des plantes médicinales locales, sur l'importance de la conservation
et de la protection, la manière de les utiliser et l'intérêt de les protéger
pour une utilisation et un développement durables dans le contexte de
promouvoir un mécanisme de valoriser la médecine traditionnelle, de la
pharmacopée et des plantes médicinales locales pour en tirer profit et subvenir à leurs besoins ;
b.
Mise en place des pépinières des plantes médicinales sur toute la zone
couverte par le projet pilote.
2.
APPROCHE METHODOLOGIQUE DU PROJET.
Compte tenu de l'ampleur du projet sur le plan national,
ARECO-RWANDA NZIZA envisage de tester la réussite du projet sur une zone pilote
qui correspondrait géographiquement à une préfecture (région sanitaire). Le
choix de la zone pilote sera déterminé par la coordination du projet en tenant
compte des acquis antérieurs en matière de médecine traditionnelle : par
exemple la préfecture de Kibungo où il fut créé un centre de médecine
traditionnelle depuis 1976. Ce choix serait motivé par son étendu, le nombre de
centres de santé ainsi que la disponibilité probable de quelques anciens
tradipraticiens qui pratiquent encore.
3.
BENEFICIAIRES DU PROJET ET UTILISATEURS
Les bénéficiaires cibles du projet seront les membres de
chaque communauté locale couverte par le projet. L'utilisation des plantes médicinales
locales dans les préparations et l'administration des recettes médicinales dans
un programme de santé des soins primaires permettra à toutes les familles
rwandaises de se faire soigner à moindre coût.
4.
OBJECTIF GLOBAL DU PROJET :
Promouvoir la conservation des plantes médicinales et la
valorisation de l'utilisation de la médecine traditionnelle au niveau national.
Compte tenu des caractéristiques du sous-secteur de la médecine traditionnelle
au Rwanda, le projet PLANTES MEDICINALES ET MEDECINE TRADITIONNELLE RWANDAISES
a pour objectifs immédiats :
(a)
Etablir un bilan diagnostique sur la zone qui sera couverte par le projet
(centres de santé, districts et régions sanitaires) de l'état de la médecine
traditionnelle ;
(b)
Aider les tradipraticiens de cette zone à s'organiser en associations
locales ;
(c)
Développer la culture des plantes médicinales couramment utilisées et celle
des espèces médicinales en voie de disparition ;
(d)
Contribuer à l'étude des usages populaires des plantes médicinales tels
qu'indiqués par les tradipraticiens (indications thérapeutiques, modes de
préparations, schémas thérapeutiques, etc.).
(e)
Identifier et dresser des listes des plantes médicinales communément
utilisées pour soigner les maladies ;
(f)
Cultiver les plantes médicinales pour assurer l'approvisionnement ;
(g)
Conserver des populations d'espèces de plantes médicinales dans des jardins
botaniques villageois.
Ces objectifs immédiats donnent lieu aux produits et
activités qui sont résumés dans le tableau ci-après:
OBJECTIFS IMMEDIATS,
PRODUITS ET ACTIVITES
|
Objectifs
|
Produits
|
Activités
|
|
Etablir un bilan diagnostique
de l'état de la médecine traditionnelle dans la zone qui sera couverte par le
projet.
|
P.1.
Rapports sur l'état de la médecine traditionnelle
(Centre de Santé, District ou Région Sanitaire)
|
Activité
n°1 : Recensement des tradipraticiens
Activité
n°2 : Organisation d'un atelier sur la médecine
traditionnelle
Activité
n°3 : Organisation d'un atelier/séminaire pour justifier
les actions prioritaires.
|
|
Aider les tradipraticiens de
la zone couverte par le projet à s'organiser en associations locales.
|
P.2.Existence
d'un système opérationnel d'information sur l'état de la médecine
traditionnelle dans les communautés locales.
|
Activité n°4:
-
Organisation des associations des tradipraticiens par
commune (centre de santé) et par préfecture (district ou région sanitaire) ;
-
Organisation d'un système de collecte d'informations en
matière de la médecine traditionnelle, de la pharmacopée et des plantes
médicinales ;
-
Spécification des activités à mener et des données à
collecter ;
-
Définition des mécanismes de fonctionnement et de
coordination des associations des tradipraticiens ;
-
Mise en place d'un processus d'analyse continue des
données et de rétroinformation.
Activité n°5:
Formation des tradipraticiens qui acceptent de
témoigner sur leurs connaissances.
|
|
Identifier et dresser des
listes des plantes médicinales communément utilisées pour soigner les
maladies.
|
P.3.
Etablissement des bases de données sur la médecine
traditionnelle, la pharmacopée et les plantes médicinales locales.
|
Activité n°6:
Organisation
d'une enquête au sein des associations des tradipraticiens pour recueillir
les données sur les plantes médicinales ; leurs dénominations vernaculaires,
la clinique, l'étiologie, le traitement (composition des recettes,
préparation, administration, interdits, rituels).
|
|
Développer la culture des
plantes médicinales couramment utilisées et celles des espèces en voie de
disparition.
|
P.4.
Culture et propagation des plantes médicinales.
|
Activité n°7:
-
création de clinique de médecine traditionnelle ;
-
création de jardins botaniques et de pépinières ;
-
herborisation des plantes médicinales.
|
|
|
P.5.
Protection et conservation des espèces en voie de
disparition.
|
Activité n°8:
Sensibilisation, formation et information des
communautés locales/ tradipraticiens :
-
à la gestion de l'environnement ;
-
à la gestion rationnelle efficiente des ressources
naturelles ;
-
à la protection et à la conservation des espèces de
plantes médicinales locales en voie de disparition.
|
|
Contribuer à l'étude des
usages populaires des plantes médicinales tels qu'indiqués par les tradipraticiens
(indications thérapeutiques, modes de préparations, schémas thérapeutiques,
etc.)
|
P.6.
Rapport sur les études éthno-thérapeutiques (au sein
des associations des tradipraticiens).
|
Activité n°9:
Passer en revue les méthodes de préparations des
recettes médicinales ainsi que leurs pratiques liées à leur administration à
des patients : récolte et préparation des recettes médicinales, technique
d'administration, pratiques socio-culturelles accompagnant celles-ci, effets
positifs et/ou secondaires des recettes médicinales.
Activité n°10:
Définir la
paternité des techniques de traitement : la posologie, la propreté de la
recette médicinale, l'évaluation de l'impact sanitaire au niveau de la
communauté locale et nationale des innovations.
|
|
Cultiver les plantes
médicinales pour assurer l'approvisionnement.
|
P.7.
Génération des revenus pour les associations locales
des tradipraticiens dans le cadre de l'utilisation des plantes médicinales.
|
Activité n°11:
-
organisation et animation des associations locales des
tradipraticiens en vue de la maîtrise des techniques, nécessaires à la
conduite de leurs activités et de l'autonomisation de leur structure de base
;
-
promouvoir des mouvements associatifs au sein des
communautés locales en vue de la culture des plantes médicinales ;
-
revaloriser les systèmes traditionnels de communication
en vue de développer les circuits d'approvisionnement des produits dérivés
des plantes médicinales locales.
|
|
|
|
Activité n°12:
Appui à la commercialisation des produits dérivés des
plantes médicinales
|
|
Conserver des populations
d'espèces de plantes médicinales dans des jardins botaniques villageois.
|
P.8.
Jardins familiaux et communautaires qui apportent une
solution viable à la nécessité d'élaborer des remèdes à bon marché et
disponibles sur place.
|
Activité n°13:
.
-
Vulgarisation des résultats des études
ethnothérapeutiques au sein des communautés locales.
-
Vulgarisation des communautés locales à cultiver des
espèces de plantes médicinales dans des jardins botaniques villageois.
-
Vulgarisation des populations à créer des jardins
botaniques et pépinières familiaux.
Activité n°14:
Organisation d'un atelier/ séminaire pour l'évaluation
du projet.
|
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