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“Many people praise and acknowledge the healing power of plants, but few people actually take action to prevent their extension by planting and conserving them for future generations.”

Thursday, 12 December 2013

Conférence Internationale sur les Plantes Médicinales et la Médecine Traditionnelle en Afrique


Conférence Internationale sur les Plantes Médicinales et la Médecine Traditionnelle en Afrique
par

Rabodo ANDRIANTSIFERANA

Centre National d’Application des Recherches Pharmaceutiques (CNARP)
BP 702 – 101 ANTANANARIVO – MADAGASCAR

1.                 RESUME

L’économie malgache se relève, mais les conditions socio-économiques des populations sont encore déplorables. Faible, la population est caractérisée par sa jeunesse et une courte espérance de vie. La plupart des maladies tropicales sévissent au Madagascar, mais l’incidence du SIDA est encore faible.
La richesse de la flore est insuffisamment exploitée par la médecine traditionnelle. Une vingtaine de plantes médicinales se retrouve plus ou moins régulièrement sur le marché international. Leur poids économique est encore faible. La réorganisation des filières en vue de leur pérennisation s’impose ; elle comprend en particulier la conscientisation des différents acteurs pour une utilisation durable des ressources.
La médecine traditionnelle joue un rôle important en santé publique. Le Ministère de la santé, appuyé par l’OMS, entreprend des actions visant à son intégration rationnelle dans le système de santé officiel.
En matière de recherche, secteur privé et secteur public rivalisent de dynamisme depuis la décision du pouvoir politique de prendre en main la recherche en 1975. Cependant, malgré l’assistance de coopération bi ou multilatérale, la collaboration avec des laboratoires du Nord est encore incontournable.
La production de phytomédicaments est semée d’embûches : importation des consommables pour les extractions, le contrôle de qualité, la formulation galénique et le conditionnement. De plus, les textes réglementant les autorisations de mise sur le marché sont en cours de remaniement, laissant des dossiers en instance.
Enfin, la protection des résultats de recherche et le partage juste et équitable des bénéfices découlant de l’exploitation des ressources génétiques préoccupe le Madagascar, qui vient d’y consacrer un atelier.

2.               INTRODUCTION

Si la richesse floristique de Madagascar a émerveillé et attiré dès le début de la colonisation, la médecine traditionnelle a au contraire suscité la méfiance. Assimilée à la sorcellerie, elle a été interdite et sévèrement réprimée. Le retour de l’indépendance n’a pas aidé la médecine traditionnelle à retrouver ses lettres de noblesse, car toute la recherche était encore concentrée entre les mains des français. Les études ethnobotaniques se sont pourtant accumulées et la pharmacopée malgache s’est petit à petit élaborée.
C’est le sursaut scientifique africain d’après l’indépendance qui a donné un véritable coup de fouet à la recherche sur la médecine et la pharmacopée traditionnelles africaines et malgache. A Madagascar, le Prof A. Rakoto RATSIMAMANGA a le premier créé un institut de recherche privé sur les plantes médicinales. Directeur de recherche au CNRS, Ambassadeur de Madagascar en France, collaborateur des laboratoires Laroche-Navarron, il était très bien placé pour bien comprendre la place et l’enjeu des plantes médicinales et de la médecine traditionnelle dans l’avenir des pays africains nouvellement indépendants. Car outre l’aspect purement scientifique, la médecine traditionnelle était aussi l’affirmation de l’identité culturelle, et avait en plus une importance économique. A cette époque les plantes médicinales malgaches avaient déjà percé le marché mondial grâce au MADECASSOL tiré de Centella Asiatica, fruit des travaux du Prof. A. Rakoto RATSIMAMANGA avec les laboratoires Laroche-Navarron, et avec les produits anticancéreux de Catharanthus Roseus, mis au point par les laboratoires Eli Lilly aux USA.
Dans les années 70, un vent quasi planétaire a soufflé pour réveiller et revigorer la médecine et la pharmacopée traditionnelles. L’OMS, l’Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT), le Conseil Africain et Malgache de l’Enseignement Supérieur (CAMES), l’ONUDI, entre autres, ont lancé, soutenu ou recommandé des programmes de recherche et de valorisation des plantes médicinales et de la médecine traditionnelle.
La débâcle économique après le premier choc pétrolier a contraint les autorités politiques à accorder plus d’attention à la question. Face à la détérioration des termes de l’échange entre le Nord et le Sud, les prix des médicaments occidentaux importés augmentaient de plus en plus, alors que le pouvoir d’achat des populations du Sud ne cessait de baisser.
Ces concours de circonstances ont amené certains pays comme le Madagascar à créer des centres de recherches spécialisés sur les plantes médicinales et la médecine traditionnelle. Mais au début, la politique et les stratégies étaient plutôt timides, peu claires. Les recherches étaient cantonnées aux plantes médicinales, sources potentielles de découverte de médicaments. L’aspect socioculturel de la médecine traditionnelle était complètement occulté.
Deux décennies d’expériences avec des tentatives de rectification d’approche ou d’orientation, des collaborations multi ou bilatérales, nationales et internationales, n’ont pas encore permis de trouver la voie idéale. Les bouleversements politiques successifs, en quête de la meilleure stratégie pour un développement économique et social réel, n’ont pas facilité les tâches des chercheurs.
C’est dans ce contexte économico-politique, que nous essaieront de présenter les plantes médicinales et la pharmacopée traditionnelle à Madagascar.
3.               SITUATION SOCIO-ECONOMIQUE ET SANTE PUBLIQUE A MADAGASCAR
En 1997, une nouvelle équipe politique arrive au pouvoir et trois accords financiers principaux sont bouclés : FASR (FMI), CAS (BM) et accords avec le Club de Paris. Le Document Cadre de Politique Economique, qui est la base du programme appuyé par le FASR et le CAS1 est mis en œuvre en 1997.
L’évolution des prix montre une bonne performance :
-          la variation de l’indice des prix à la production ou déflateur du PIB est de 7,4% (objectif annuel=10,2%)
-          la variation de l’indice des prix à la consommation est de 6,3% (Déc. 96 – Déc. 97) au lieu de 8,8% (Déc. 95 – Déc. 96), traduisant un retour vers la stabilité.
Les dépenses publiques se sont contractées (-3,5%) en 1997. Si les dépenses courantes ont baissé de 7,7% les dépenses d’investissement n’ont cependant accusé qu’une modeste progression de 8,3%. Cette évolution modérée des dépenses publiques a permis de ramener le déficit global à un niveau plus bas : 2,2% du PIB sur base engagements et 2,3% du PIB sur base décaissements. Pour la troisième année consécutive, le Trésor a pu se désengager vis-à-vis du système bancaire. Mais le financement intérieur non bancaire a été positif. L’ampleur de la détérioration des termes de l’échange est moins importante (-6,2%) que celle de 1996 (-17,5%).
Si la situation économique et financière a évolué favorablement au cours des deux dernières années, la situation sociale demeure préoccupante.
Les données du recensement de 1993 sont:


-          population : 12,2M
-          taux de croissance annuel moyen : 2,8%
-          densité de population : 21h/km
-          44% : < 15 ans
-          77% : zones rurales
-          50,4% : sexe féminin
-          espérance de vie : 52 ans
-          analphabètes      :   52,8%
-          population active : 81,5% agriculture
                                    13,4% services
                                     5,1% industrie
-          indice synthétique de fécondité :
      5,9 (6,1 en 1992)
-          prévalence contraceptive :
      19,4% (16,7% en 1992)
 

Pour la santé des enfants :
-          taux de mortalité infantile : 96‰
-          taux de mortalité infanto-juvénile : 159‰
-          taux de couverture vaccinale
      (12-23 mois) : 36,2%
La mortalité infantile est due à :
-          maladies diarrhéiques : 30%
-          malnutrition : 20%
-          paludisme : 10%
-          IRA : 9%
Pour la santé de la mère :
-          47,3% des accouchements sont assistés par un personnel de santé qualifié
-          40 à 80% des femmes enceintes souffrent d’anémie.


Parmi les maladies transmissibles, le paludisme est la première cause de consultation et de décès parmi les enfants de moins de 5 ans.

Le risque annuel de tuberculose est de 1,5% ; l’incidence annuelle théorique est de 20.000 nouveaux cas.

La prévalence de l’infection au VIH est encore faible, mais elle s’accroît régulièrement. Dans la population générale, la séroprévalence est estimée à 0,07% (1995).

La prévalence des maladies sexuellement transmissibles est très élevée : gonococcie 4,5‰, syphilis 3,5‰.

Endémie pesteuse, lèpre et bilharziose complètent ce tableau. 3M de personnes vivent dans des zones d’endémie goitreuse.

Les ressources humaines en santé comptent :

- 4.500 médecins :                   .24% secteur public (49% : milieu rural)

                                                .34% secteur privé (dans les agglomérations)

                                                .42% sous-employés ou en chômage

- Pharmaciens                          : 220

- Chirurgiens dentistes            : 360

- Sages-femmes                       : 1.635

- Infirmiers                              : 3.124

- Aides-sanitaires                    : 1.282

- Tradipraticiens                      : > 4.000

4.               LES PLANTES MEDICINALES A MADAGASCAR

4.1           Les Eléments des Plantes Médicinales

Sur les 12.000 espèces que compte la flore de Madagascar, environ 2.300 ont été recensées comme plantes médicinales, soit 18,95%. Elles appartiennent à 808 genres et 196 familles. Le taux d’endémisme est de 39,6% au niveau des espèces et de 8,5% au niveau des genres. La médecine et la pharmacopée traditionnelles n’exploitent donc pas suffisamment la richesse et l’originalité de la flore malgache.

Le regroupement des plantes médicinales par indication thérapeutique permet le classement suivant :

N° d’ordre
Indications thérapeutiques
%
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
Maladies de l’appareil digestif
Maladies de l’appareil génital
Maladies du système nerveux
Maladies de la peau
Maladies de l’appareil respiratoire
Troubles métaboliques
Troubles de l’appareil urinaire
Anti-inflammatoires
Traumatisme
Paludisme et splénomégalies
Fortifiants
Maladies vénériennes
Toxiques
Parasitoses intestinales
Maladies du foie
Maladies ostéo-articulaires
Maladies cardio-vasculaires
Aphrodisiaques
Insecticides
tumeurs
15
11
10
9,6
6,7
5,8
5,3
5,0
5,0
5,0
4,8
3,7
3,7
3,4
3,2
3,2
0,6
0,6
0,6

PRINCIPALES ESPECES VEGETALES EXPORTEES POUR USAGE PERSONNEL


Noms scientifiques
Noms vernaculaires
Familles botaniques

Mystroxylon aethiopicum

Aphloïa theaeformis

Helichrysum sp.
Centella asiatica
Clidemia hirta
Cussonia bojeri
Lygodium lanceolatum
Andropogon citratus
Azolla pinnata
Mollugo nudicaulis
Catharanthus lanceus
Cedrelopsis grevei
Eucalyptus globulus
Toddalia asiatica
Hylocereus sp.
Pentopetia androsaemifolia
Pauridiantha lyallii
Cassytha filiformis
Fanazava
Ravimboafotsy
Rambiazina
Talapetraka
Mazambody
Tsingila
Karakaratoloho
Veromanitra
Ramilamina
Aferontany
Vonenina gasy
Katrafay
Kininimpotsy
Anakatsimba
Fakantsilo
Tandrokosy
Tamirova
Tsihitafototra
Célastracées
Flacourtiacées
Composées
Ombeilifères
Mélastomatacées
Araliacées
Schizéacées
Poacées
Salviniacées
Molluginacées
Apocynacées
Méliacées
Myrtacées
Rutacées
Cactacées
Asclépiadacées
Rubiacées
Lauracées

4.2         L’Exploitation des Plantes Médicinales

Les plantes médicinales sont consommées par toutes les couches de la population, aussi bien rurales qu’urbaines. Elles participent à plusieurs secteurs : médecine traditionnelle, herboristerie, industrie pharmaceutique. Elles jouent donc un rôle important au plan socio-économique, aussi bien à l’échelle micro-économique, que méso ou macro-économique.

L’exploitation des plantes médicinales peut être divisée en plusieurs filières, selon les relations entre les différents acteurs, les postes d’activité identifiés étant : la cueillette (ou récolte), la collecte, le traitement ou transformation, la consommation et l’exportation.


Schéma des différentes filières des plantes médicinales

 

Cueillette                             Collecte                    Consommation locale         Exportation

Paysans

Paysans
 



1

 

                                   

 

Consommateurs ruraux et urbains

Paysans tradipraticiens
 
2


Petits revendeurs au public

Herboriste

Consommateurs urbains

Paysans
 


 

 

 

 

 

 


3

EXPORTATION
 


 

 


Exploitant usinier

Collecteurs

Paysans
4


 

 

 


Collecteurs

Paysans
5


Collecteurs salariés

Exploitant exportateur
 


 

 

 

 

 

 

 


Marchands de plantes médicinales = petits revendeurs au public

Tous consommateurs

Paysans
6


 

 

 

 


Les filières 1 et 2 jouent un rôle important en milieu rural, non seulement au niveau de la santé, mais aussi au plan socioculturel. Les enquêtes ethnobotaniques réalisées à leurs niveaux ont montré leur importance en tant que réservoirs de connaissances traditionnelles. La filière 6, pour le seul marché de la capitale (Antananarivo) a réalisé un chiffre d’affaires de 32.189 FF en 1994.

Les filières 4 et 5 concernent les marchés d’exportation des plantes médicinales. En effet, une vingtaine de plantes médicinales apparaît régulièrement ou sporadiquement sur le marché international. Trois d’entre elles ont constamment tenu la scène depuis plus de deux décennies : il s’agit de Catharanthus roseus, Centella asiatic et Prunus africana (ou Pygeum africanum). Les autres sont : Aphloia theaeformis, Areca madaascariensis, Calophyllum inophyllum, Drosera ramentaceae, (syn. Drosera madagascariensis), Eugenia jambolana, Harungana madagascariensis, Hazunta modesta, Medemia nobilis, Moringa oleifera, Rauwolfia confertiflora, Siegesbeckia orientalis, Voacanga thouarsii.

Madagascar exporte en moyenne 600 tonnes de plantes médicinales par an. Jusqu’en 1995, ce marché rapportait environ 7 millions de FF FOB. Catharanthus roseus représentait 81% de ce marché en quantité et 47% en valeur. Centella asiatica 8,9% en quantité et 16% en valeur, Prunus africana, 0,50% en poids et 23% en valeur. L’impact de la transformation locale du Prunus africana sur la valeur des produits exportés est flagrant. Il ne cesse d’ailleurs d’augmenter et avoisine les 50% de la valeur totale des exportations de plantes médicinales ces dernières années.

4.3         Avenir de l’Exploitation des Plantes Médicinales

Les principaux acteurs qui interviennent dans l’exploitation des plantes médicinales sont : les paysans (récolteurs et /ou consommateurs), les collecteurs, les exploitants (usiniers et/ou exportateurs).

Lorsque les paysans prélèvent des plantes médicinales dans la nature pour leurs propres besoins, ils menacent rarement la survie de ces ressources : leur collecte est minime, les tradipraticiens pratiquent généralement des méthodes qui assurent l’utilisation durable. Il en est autrement lorsque la cueillette est pratiquée comme activité secondaire, pour augmenter les revenus familiaux. Le principal souci est alors la rentrée immédiate et maximale d’argent liquide. Par ailleurs, la recherche de la commodité, du moindre effort et de la rapidité ne permettent pas de se soucier de la gestion de la ressource. Les problèmes de conservation sont donc fonction des types biologiques des ressources et des parties prélevées.

Pour Centella asiatica : c’est la tige feuillée qui constitue la drogue. L’IMRA/Soamadina a sensibilisé les cueilleurs au fil des collectes, pour qu’ils ne coupent que le pétiole au lieu d’arracher la plante entière. Le travail est plus pénible et le rendement plus faible, mais la régénération de la ressource est assurée. Comme les gisements sont nombreux à travers l’île, la ressource est abondante et son utilisation a des chances d’être pérenne.

Pour Drosera madagascariensis : c’est la plante entière qui est demandée sur le marché. Rares sont les cueilleurs qui la coupent à la main pour préserver les rhizomes nécessaires à la régénération. Par ailleurs, la distribution géographique de cette espèce n’est pas connue. L’importance des gisements devrait être évaluée pour adopter les méthodes d’intervention et les outils de gestion adéquats.

Catharanthus roseus : la plante entière est déterrée à l’angady, pour prendre les racines d’une part, et les feuilles – tiges feuillées d’autre part. La pervenche malgache est considérée comme une peste par les paysans, car elle envahit spontanément les champs laissés en jachère. Les peuplements sauvages arrivent largement.

Pour Areca madagascariensis, Voacanga thouarsii, Medemia nobilis et Callophyllum ionophyllum le prélèvement des graines ne constitue pas une menace s’il n’entraîne pas l’abattage de l’arbre. Mais l’avenir de l’exportation est problématique lorsque la drogue est constituée par l’écorce.

Pour Rauwolfia confertiflora, aucune alternative n’existe car il s’agit en plus de l’écorce de racine ; heureusement, l’exportation est sporadique et dégressive.

Le cas le plus préoccupant actuellement est celui de Prunus africana. L’importance de ce produit dans l’industrie pharmaceutique constitue une réelle pression pour intensifier son exploitation. Plusieurs études menées simultanément en 1994 ont toutes montrées les menaces qui pèsent sur cette ressource : la régénération naturelle est aléatoire, le prélèvement de l’écorce est toujours destructeur, qu’il se fasse par écorçage ou par abattage, or la densité de la population est faible. Ces constats ont conduit à l’inscription de Prunus africana à l’annexe II de la CITES en 1995. Par réaction, SODIP, la principale société exploitatrice (transformation et exportation) a démarré un essai de culture ex situ à partir de sauvageons, depuis 1997. Les résultats, bien qu’encore médiocres, sont riches d’enseignements pour la suite des opérations.

Les collecteurs servent d’intermédiaires entre les paysans – cueilleurs et les exploitants exportateurs. Le profit est leur principal objectif. Ils ne se préoccupent donc pas des problèmes de conservation des ressources, et cherchent même à tirer profit des difficultés matérielles des paysans.

Les exploitants-exportateurs constituent la cheville ouvrière de la filière. Eux seuls disposent des données relatives au marché (envergure et volume), fluctuation des prix, identité des clients avec leurs stratégies et leurs caractéristiques, orientations nouvelles dans la filière ou le secteur etc.). Par ailleurs, ils sont les mieux informés sur l’environnement politico-juridique dans lequel ils opèrent. De ce fait, ils devraient être les premiers responsables de la santé et de la pérennité des filières qu’ils travaillent. Etant les plus gros bénéficiaires de l’exploitation des ressources de la biodiversité, ils devraient assurer le professionnalisme à tous les niveaux de la chaîne et veiller à une répartition  équitable des avantages, dans l’esprit de la convention sur la diversité biologique.

5.                LA MEDECINE TRADITIONNELLE A MADAGASCAR

La médecine traditionnelle a toujours existé à Madagascar, mais sa réglementation a été désorganisée. Du temps du roi Andrianampoinimerina en 1800, l’utilisation et la commercialisation des plantes médicinales étaient déjà réglementées pour protéger la santé et l’individu. Ces dispositions ont encore été confortées par le code des 305 articles de 1881, pour ce qui concerne la vente des médicaments et des remèdes. Mais à partir de 1896, les plantes médicinales et les pratiques traditionnelles de soins de santé ont été sévèrement écartées du système de santé. Elles n’ont été tolérées qu’après 1960 (indépendance).

Or la médecine traditionnelle fait partie intégrante de la culture malgache. Ainsi, plus de 4.000 tradipraticiens sont répartis à travers tout le pays, entretenant des relations constantes et étroites avec la population, dont 80% recourent à leur savoir-faire. Basé sur les relations avec les ancêtres, leur art de soigner témoigne de l’unité des malgaches. Utilisant généralement des plantes médicinales, les tradipraticiens sont très conscients de l’importance de la biodiversité. Ils constituent de ce fait de précieux acteurs pour la protection de l’environnement et en particulier pour la prévention des feux de brousses. Leur contribution à l’exploitation durable de ces ressources naturelles représente donc un poids économique non négligeable. Pour toutes ces raisons, il était nécessaire de donner à la médecine traditionnelle et à ses praticiens la place qu’ils méritent.

5.1           Le Comité Mixte d’Etude

Une commission mixte d’étude de la réglementation de la médecine et de la pharmacopée traditionnelle à Madagascar a été créée en 1996. Elle a maintenant à son actif :

        le recensement des tradipraticiens

        l’élaboration du Statut de l’Association Nationale des Tradipraticiens de Madagascar

        le projet de Loi portant reconnaissance de l’exercice de la médecine traditionnelle à Madagascar

5.2          Recensement des Tradipraticiens

Compte tenu de l’étendue de Madagascar et des difficultés de communication, deux voies ont été adoptées pour atteindre les tradipraticiens :

        les syndicats et associations de tradipraticiens ont distribué à leurs membres le questionnaire élaboré au CNARP.

        le Service de Médecine et de Pharmacopée traditionnelles du Ministère de la Santé a élaboré un questionnaire destiné aux responsables de districts de santé, qui devraient collecter les données relatives aux tradipraticiens.

Les retours des questionnaires se font attendre dans les deux approches. Même s’ils sont approchés par leurs pairs, les tradipraticiens hésitent à se faire connaître : ils redoutent l’administration pour ses répressions éventuelles, pour la réclamation de patente ou d’impôts. Quant aux médecins responsables de districts de santé, débordés de travail, peu sensibilisés à la médecine traditionnelle, ils n’accordent pas une priorité au questionnaire.

Cependant, l’analyse de deux échantillonnages de réponses a été réalisée sur le questionnaire du CNARP. Un groupe est constitué de tradipraticiens exerçant majoritairement en milieu citadin, le second comprend surtout des ruraux. Dans les deux cas, les facteurs qui conduisent à l’exercice de la médecine traditionnelle sont par ordre d’importance : les manifestations des ancêtres, l’héritage, la décision personnelle, l’enseignement ou les dons naturels. Pour le diagnostic, le groupe des citadins fait appel en priorité aux manifestations des ancêtres et aux cartes ; alors que pour le second groupe, les manifestations des ancêtres et l’astrologie interviennent en premier.

Au plan du traitement, les pratiques sont sensiblement les mêmes, même au niveau des fréquences d’utilisation. Ce sont par ordre d’importance décroissante : les produits naturels (d’origine végétale, animale ou minérale), les interventions personnelles (mains, salive, influence psychologique), les remèdes «ésotériques », les manifestations des ancêtres (médium…) et l’astrologie. Logique et cohérence se sont dégagées des relations entre les différents paramètres étudiés : la médecine traditionnelle et ses pratiques sont en étroite relation avec les conditions socio-économiques et en outre, ont un fondement fortement culturel.

5.3          Statut de l’Association Nationale des Tradipraticiens de Madagascar (ANTM)

Un atelier organisé par le Ministère de la Santé, sous l’égide de l’OMS/Madagascar a réuni des représentants des tradipraticiens des six provinces de Madagascar en mars 1997. En trois jours ils ont validé un projet de Statut préparé par une Commission mixte. L’objectif principal du Statut est la mise en place du système de sélection des tradipraticiens, en vue de leur intégration dans le système de santé officiel.

Il est institué un Comité consultatif communal, composé de quatre tradipraticiens choisis par leurs pairs, d’un chef traditionnel désigné par ses homologues, du responsable du Centre de santé de Base et du maire de la commune. Ce Comité est chargé d’examiner les demandes d’adhésion des tradipraticiens à l’ANTM. Il transmet le procès verbal de ses propositions, signé de tous les membres, au Chef du Service de santé de District. Après y avoir apposé ses appréciations, celui-ci l’achemine au Ministère de la Santé qui saisit le Conseil National.

Le Conseil National est composé de tradipraticiens représentant les différentes disciplines de la médecine traditionnelle, de la Commission mixte chargée de la réglementation de la médecine traditionnelle et de représentants du Ministère de la Santé. Le Conseil National a pour rôle de concevoir, de coordonner, d’animer, de suivre et d’évaluer. La qualité de membre de l’ANTM s’acquiert par décision du Ministère de la Santé sur proposition du Conseil National. Tout membre régulièrement inscrit doit posséder :

        une attestation de tradipraticien délivrée par le Ministère de la Santé ;

        une carte d’adhésion, signée par le président de l’ANTM.

Depuis la validation du Statut de l’ANTM, les tradipraticiens sont invités à s’organiser en associations, pour faciliter la mise en place et le fonctionnement du mécanisme décrit précédemment. Les résultats varient en fonction du dynamisme des meneurs.

5.4          Projet de Loi Portant Reconnaissance de l’Exercice de la Médecine Traditionnelle à Madagascar

Le flou juridique qui entoure la médecine et la pharmacopée traditionnelles constitue un gros handicap pour toutes les études qui se proposent de les revaloriser. Pour convaincre les tradipraticiens et tous ceux qui recourent à la médecine traditionnelle de la bonne foi du pouvoir politique, il était nécessaire de proposer une loi reconnaissant l’existence de la médecine traditionnelle à Madagascar.

Le projet de textes élaboré par la Commission mixte a fait l’objet d’un atelier d’examen et de validation en février 1998. Représentants d’associations et syndicats de tradipraticiens, délégués des ordres de médecins, pharmaciens, infirmiers et sages-femmes, représentants des ministères concernés par la recherche, l’enseignement, la sécurité et la défense nationales ont pu y participer, grâce au soutien financier de l’OMS, appuyant l’initiative du Ministère de la Santé.

Après corrections finales et mise en conformité juridique par le Service des contentieux du Ministère de la Santé, le projet de loi attend maintenant sa présentation au Conseil du Gouvernement. Selon le Ministère de la Santé, il ne pourra passer qu’après l’adoption de la Politique Nationale de la Santé et le Code de déontologie des médecins, programmés pour cette année.

Mais en attendant, la Commission mixte se prépare pour l’élaboration des textes d’application : Décret portant organisation de l’exercice de la médecine traditionnelle, et Arrêté fixant les règles de l’exercice de la médecine traditionnelle.

6.               LES RECHERCHES SUR LES PLANTES MEDICINALES

6.1           Historique

La flore de Madagascar a toujours émerveillé les naturalistes par sa richesse et par son originalité. Mais son utilisation empirique a aussi attiré l’attention. Ce sont d’abord les plantes jouant un rôle socioculturel qui ont éveillé la curiosité : le tanghin (poison d’épreuve) fourni par les racines de Menabea venenata. Puis ce fut le tour des plantes réputées efficaces contre les affections les plus préoccupantes, telles que le paludisme et ses complications, la lèpre… Ceci se situe à la fin du 19è siècle.

Les informations sur l’utilisation des plantes ont été ainsi notées petit à petit. Au début du siècle, les recueils de notes sur les pharmacopées régionales se multiplient. Ils s’intensifient énormément pendant la seconde guerre mondiale qui a coupé Madagascar de tout échange avec l’Europe. Contraints de soigner avec les moyens du bord, médecins modernes et chercheurs ont collaboré pour mieux connaître la pharmacopée et la médecine traditionnelles malgaches et pour en tirer le meilleur parti. Pendant les années d’isolement total (1940-1946), des formules issues de la pharmacopée traditionnelle ont été mises à l’épreuve, parfois complétées ou précisées quant à la posologie. De ces expériences inestimables, P. Boiteau a établi des fiches thérapeutiques qu’il a rassemblées dans le «Précis de matière médicale malgache» édité en 1979.

Après la guerre, l’Institut de Recherche Scientifique de Madagascar (IRSM) est créé. Son département des plantes médicinales parmi ses activités, s’est donné pour tâches de recueillir tous les renseignements sur l’utilisation empirique de la flore dans le domaine thérapeutique. C’est grâce à ces enquêtes ethnobotaniques poursuivies par l’ORSTOM (Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer) qu’ont pu être édifiées les Pharmacopées de Madagascar par Pernet, Meyer, Bost, Debray, Jacquemin, Razafindrambao. Après 1972, le Gouvernement Malgache a pris en main la recherche scientifique à Madagascar.  Tous les instituts de recherche français sont partis, sauf l’Institut Pasteur.

6.2          Les Principales Institutions de Recherche

Dès la création de l’O.U.A. en 1963, les scientifiques africains et malgaches ont éprouvé le besoin de constituer une Commission Scientifique et Technique de la Recherche. Le Prof. A. Rakoto RATSIMAMANGA qui en a été l’un des promoteurs-fondateurs, a par la suite créé à Madagascar son propre institut de recherche sur les plantes médicinales : l’Institut Malgache de Recherche Appliquées (IMRA). Véritable pionnier par son approche socio-économique, cet organisme reconnu d’utilité publique, a maintenant une grande renommée internationale et connaît un remarquable développement de ses installations.

Créé plus tard (1976), le Centre National de Recherches Pharmaceutiques (CNARP) a pour mission de valoriser la médecine et la pharmacopée traditionnelles, en vue de mettre à la disposition de la population des phytomédicaments de qualité, mais à des prix abordables. Pendant les premières années de son existence, le CNRP s’était conformé au schéma préconisé par l’OMS, basé sur ses cinq départements :

Les recherches commençaient au Département de botanique et ethnobotanique, par des collectes d’informations auprès des tradipraticiens et des populations rurales. Les plantes ainsi sélectionnées étaient confiées au Département de Pharmocodynamie pour vérification de l’activité présumée sur des tests spécifiques, et pour un test hippocratique. Les résultats positifs permettaient au Département de Chimie d’entrer dans la chaîne d’investigations. Guidée par la Pharmocodynamie, les extractions successives visent à isoler les principes actifs, dont les structures seront déterminées avec l’aide de laboratoires étrangers disposant de RMN et de spectroscopie de masse. Si l’index thérapeutique est favorable, les départements de Pharmacie Galénique et d’Expérimentation Clinique poursuivent les recherches. Si tous les résultats sont concluants, le dossier de demande d’autorisation de mise sur le marché est constitué et adressé au Ministère de la Santé.

L’ensemble du processus est très long (minimum 10 ans) et onéreux. Or les demandes étaient de plus en plus pressantes. Compte tenu de l’insuffisance en consommables et en équipements performants pour la purification et la détermination des structures de molécules, il a été décidé de se contenter d’extraits semi-purifiés pour la fabrication des phytomédicaments.

Sur une plante médicinale déjà bien connue de la pharmacopée traditionnelle, les travaux du CNRP consistaient à préciser les indications thérapeutiques, les contre-indications, la toxicité, les posologies. Une attention particulière est accordée à l’assurance qualité. Ainsi, pour la standardisation, les composants chimiques étant identifiés qualitativement, un constituant spécifique est choisi comme indicateur pour le dosage quantitatif. Mais même cette voie a réservé bien des surprises : des effets secondaires insoupçonnés, la non-reproductibilité de l’activité thérapeutique, la présence des principes actifs pendant une période limitée dans l’année etc. ont retardé la mise au  point des phytomédicaments ou multiplié les recherches complémentaires. D’où une nouvelle ligne qu’on pourrait qualifier de «générique ». Il s’agit de plantes médicinales figurant déjà dans les pharmacopées internationales et qui ne nécessitent plus que des mises au point de techniques d’extraction et de nouvelles formulations.

Dans tous les cas, la commercialisation des produits est subordonnée à l’obtention d’une AMM du Ministère de la Santé. Si, conformément à la législation française, les dossiers de demande d’AMM étaient allégés pour les plantes médicinales déjà bien connues, depuis 1999, tous les dossiers en instance sont bloqués en attendant l’élaboration et la publication des nouvelles réglementations. Le bilan de ces multiples expériences est plutôt décourageant,  et l’objectif de contribuer substantiellement à l’approvisionnement en médicaments essentiels n’a pas été atteint.

La nécessité d’une collaboration avec des organismes étrangers a été vivement ressentie. C’est pourquoi le CNARP a proposé sa candidature à l’International Co-operative Biodiversity Group des Etats-Unis, dont les objectifs principaux correspondent aux siens propres. Depuis septembre 1998, le CNARP fait ainsi partie du Consortium chargé d’exécuter le projet intitulé «utilisation de la biodiversité à Madagascar et au Suriname ». Les principes fondamentaux du programme de bioprospection ICBG qui ont séduit le CNARP sont :

        la reconnaissance de la valeur des connaissances traditionnelles ;

        l’effort pour partager effectivement les avantages découlants de l’utilisation de la biodiversité ;

        l’attention particulière accordée aux communautés locales ;

        l’association de la conservation à l’utilisation.

Bien que le projet ne soit qu’au stade de démarrage, les difficultés à concrétiser les belles idées se font déjà sentir, car les réalités du terrain sont très complexes. Mais c’est une expérience passionnante qui réclame ingéniosité, patience, persévérance et foi.

Outre l’IMRA et le CNARP qui sont des instituts autonomes, différents laboratoires (Pharmacologie, Chimie…) d'établissements d’enseignement supérieur (Sciences, Médecine, Ecole Normale Supérieure) ou de centres de recherche (Centre National de Recherche sur l’Environnement), entreprennent des recherches sur les plantes médicinales et la médecine traditionnelle.

Par ailleurs, des ONG œuvrant dans des projets de conservation et de développement intégré (PCDI) sont aussi amenés à traiter des problèmes de santé en relation avec la médecine traditionnelle et l’utilisation des ressources naturelles. Ainsi le WWF a réalisé un projet de Clinique intégrée où les connaissances traditionnelles d’un tradipraticien ont été utilisées dans un dispensaire par des médecins modernes. Les résultats de cette expérience ont permis de chercher d’autres méthodes d’approche pour réussir l’intégration de la médecine traditionnelle dans le système de santé officiel (PCDI d’Andringitra-Ivohibe).

Des chercheurs ou étudiants étrangers viennent aussi à Madagascar dans le cadre d’une bourse pour faire des enquêtes ethnobotaniques dans des régions bien délimitées géographiquement et culturellement.

7.                PRODUCTION DE PHYTOMEDICAMENTS

Le schéma des filières des plantes médicinales, a montré que celles-ci peuvent être commercialisées :

        au marché ouvert, à l’état brut, sous forme de tiges, feuilles, racines, graines, écorces…

        après une première transformation, plus ou moins élaborée, en tant que produits d’herboristerie (broyats, extraits liquides, forme pâteuse…)

Les deux premières catégories ne nécessitent pas d’autorisation de mise sur le marché pour être commercialisées. Nous ne parlerons donc que de la troisième catégorie qui relève de la production pharmaceutique proprement dite et doit obéir aux règles de bonne pratique de fabrication.

La décision de travailler les plantes médicinales pour produire des médicaments avait pour objectifs principaux l’économie de devises et l’obtention de médicaments moins onéreux que leurs homologues importés. Or, les seuls solvants disponibles localement pour faire les extractions sont l’eau et l’alcool éthylique. Tous les solvants nécessaires aux études chimiques doivent être importés, de même que les absorbants et les réactifs. La préparation d’extraits qualitativement et quantitativement contrôlés, standardisés, est donc fortement dépendante des importations.

La plupart des excipients entrant dans la formulation galénique ne sont pas non plus disponibles localement : amidon, base grasse, conservateur etc. Il en est de même des articles de conditionnement : flacons, bouchons inviolables, tubes etc. Et compte tenu de la taille minime du marché, les étiquettes, prospectus et boîtes d’emballage reviennent chers. En définitive, dans le prix de revient du produit fini, le(s) principe(s) actif(s) ne représentent qu’une faible proportion par rapport aux excipients et au conditionnement. Néanmoins, les phytomédicaments produits au CNARP sont vendus au moins deux fois moins chers que leurs équivalents importés.

8.               DECOUVERTE DE MEDICAMENTS ET DROITS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE

Lorsque le CNARP menait ses enquêtes ethnobotaniques, il était souvent interpellé par les détenteurs des connaissances traditionnelles, qui lui demandaient comment ils pourraient être récompensés de leur collaboration. Ce problème, soulevé à la Conférence Mondiale sur l’Environnement, à Rio de Janeiro en 1992, par les peuples autochtones répartis sur les 5 continents, et témoins impuissants du pillage de leur biodiversité, a trouvé une réponse dans l’article 8j de la Convention sur la Diversité Biologique. Depuis, la prospection de la biodiversité est désormais fondée sur les considérations éthiques, humanitaires et écologiques.

La prospection de la biodiversité «consiste à rechercher, au fins d'utilisation thérapeutique, agricole ou industrielle, des ressources génétiques dans la diversité de la vie non humaine de la planète » (J. Rosenthal). L’ethnobotanique est une méthode de bioprospection. Elle se limite aux éléments de la biodiversité qui sont déjà utilisés traditionnellement par les populations locales.

Compte tenu du rendement habituel des recherches pharmaceutiques qui est de l’ordre d’un produit actif pour 10.000 produits testés, la bioprospection au hasard a la préférence des pays riches. Dans ce cas, il s’agit de collecter au hasard, dans un écosystème donné, et de tester les produits ainsi collectées. Le problème de la propriété des connaissances traditionnelles ne se pose donc plus. Mais pour que les populations locales qui dépendent étroitement de la biodiversité au sein de laquelle elles vivent bénéficient des avantages de son exploitation, l’International Co-operative Biodiversity Group (ICBG) a mis au point un programme qui intègre le développement sanitaire humain à la découverte de médicaments, aux motivations pour la conservation de la biodiversité et à des modèles d’activité économique soutenable. Ce programme finance les groupes réunissant des organismes du Nord (puissants technologiquement) à des organismes du Sud (riches en biodiversité) qui conviennent d’exécuter ensemble un projet conforme à ses objectifs.

Le CNARP fait partie d’un Consortium qui a bénéficié de ces fonds en 1998. La Convention qui lie les membres du Consortium explicite l’aspect technique du projet et les modalités de partage des bénéfices. A ce propos, l’idée principale est que des bénéfices reviennent aux communautés locales, aussi bien à court qu’à long terme, même si les données ethnobotaniques n’ont pas été utilisées.

La deuxième préoccupation est que les laboratoires pharmaceutiques ou phytosanitaires n’attendent pas la commercialisation de produits brevetés pour verser des compensations financières aux différents organismes associés dans le projet. Schématiquement les différents bénéfices se présentent comme suit :

Avance compensatoire (upfront compensation)

Versée au commencement du projet, elle est destinée aux populations locales de la région où se déroulent les activités de bioprospection et au renforcement des capacités des institutions nationales.

« Milestone »

Comme la recherche puis le développement de nouveaux médicaments demandent 10 à 20 ans, il est prévu des payements dénommés «milestones » aux étapes décisives suivants :

        demande d’autorisation des essais cliniques

        demande d’autorisation de mise sur le marché auprès de la FDA

Royalties

Deux particularités méritent d’être soulignées ici :

        le taux des royalties est plus élevé lorsque le produit breveté provient d’une connaissance traditionnelle ;

        il existe une part de royalties destinée spécifiquement au «pays source ».

Le problème qui se pose au CNARP est d’identifier les destinataires de ces bénéfices particuliers. Il compte sur l’Atelier sur le Droit de l’environnement qui aura lieu fin mai, pour l’aider à trouver des réponses justes. Car le cadre législatif malgache ne lui est d’aucun secours.

En effet, l’ordonnance de 1989 a bien institué un régime pour la protection de la propriété industrielle en République Démocratique de Madagascar. Malheureusement, dans l’article 8, il est stipulé que «sont irrecevables ou doivent être rejetées les demandes de brevet ou de certificat d'auteurs d'inventions pour :

        les variétés végétales ou animales pour des procédés essentiellement biologiques d’obtention de végétaux ou d’animaux ;

        les produits pharmaceutiques, vétérinaires, cosmétiques et alimentaires.

Mais par une loi de 1995, Madagascar a ratifié l'accord instituant l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), dit Accord de Marrakech, qui comporte un volet «Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) ».

Partant de la hiérarchie des normes juridiques, l'accord sur les ADPIC a une valeur supérieure à celle des lois. Or l’article 27-1 de l'accord sur les ADPIC exige la protection inhérente aux brevets, sans discrimination quant au domaine technique de l’invention.

9.               CONCLUSION

Depuis deux ans, la situation économique de Madagascar a tendance à s’améliorer. Mais d’après les indications socio-économiques, ceci n’a encore aucune répercussion sur les populations. Les problèmes de santé publique en particulier sont encore très préoccupants. Plus que dans les années 70, les plantes médicinales et la médecine traditionnelle méritent donc d’être valorisées. Le quart de siècle qui s’achève a été témoin des multiples efforts et expériences qui ont été entrepris à Madagascar dans ce domaine. Secteurs privé aussi bien que public ont rivalisé pour aborder le sujet sur tous les fronts.

Dans le domaine de la recherche, seul le Centre National de Recherche Pharmaceutique a largement diffusé ses résultats d’enquêtes ethnobotaniques par la publication de deux ouvrages. Au niveau des études pharmacologiques et chimiques, tous les intervenants reconnaissent maintenant la nécessité de collaborer avec le Nord. Malgré l’équipement des laboratoires malgaches en matériels performants, les recherches ne peuvent être menées jusqu’au stade ultime. La maintenance reste un problème permanent de même que l’approvisionnement en consommables. Dans le domaine de la chimie en particulier, l’acquisition de technologie de pointe pour la détermination des structures n’est pas envisageable ni souhaitable, car le rapport coût/efficacité serait exorbitant.

La hantise de Madagascar, comme tous les pays en développement riches en biodiversité cependant est d’être victime de biopiraterie. Or à l’impossibilité de mener jusqu’au bout les découvertes de médicaments dérivés des ressources naturelles, s’ajoutent encore les difficultés de protéger les résultats valables et de les développer au plan international. Parmi les modèles de coopération avec le Nord, c’est le programme de l’International Co-operative Biodiversity Group (ICBG) qui nous paraît le plus équitable. La volonté de lier l’utilisation de la biodiversité à la conservation d’une part, et à l’amélioration effective des conditions de vie des populations locales d’autre part, y est manifeste. Ce modèle de coopération tient compte aussi des aléas de la recherche–développement des médicaments et de la durée incompressible des travaux. C’est ainsi que des avances compensatoires sont versées dès le commencement des activités, et que des payements sont prévus à chaque étape cruciale de la découverte des médicaments. En exécutant ce programme, nous réalisons qu’il n’est pas facile de mettre en pratique ses idées maîtresses : l’identification des populations locales bénéficiaires, le choix des actions de développement durable à appuyer, le mode de répartition de la part des royalties revenant au pays source dépassent la compétence des seuls intervenants du programme. Le problème qui se pose pour la première fois à Madagascar représente un tel enjeu qu’une concertation nationale est prévue.

La voie des plantes médicinales tant parsemée d’embûches, a orienté certains chercheurs et surtout opérateurs économiques vers les plantes aromatiques et les huiles essentielles. Plusieurs marques de produits parapharmaceutiques et cosmétiques se sont développées avec plus ou moins de bonheur, et attirent surtout une clientèle éprise d’exotisme. La médecine traditionnelle elle-même a bénéficié de la Convention de la diversité biologique qui insiste sur la reconnaissance du savoir traditionnel. Les études et expériences pour sa réglementation et son intégration dans le système de santé officiel sont en bonne voie.

Enfin, pour ce qui concerne l’exploitation des plantes médicinales pour le commerce international, les différents acteurs viennent seulement de prendre conscience des mesures que réclame la pérennisation de leur activité. En conclusion, l’avenir des plantes médicinales et de la médecine traditionnelle à Madagascar peut être considéré avec optimisme.


10.          REFERENCES

1   -            AKERELE O.

                        WHO guidelines for the assessment of herbal medicines :

« Workshop on the industrial utilisation of medicinal and aromatic plants »

            Milan, Italy, 24 – 27 March 1992

2   -            ANDRIANTSIFERANA R.

Les plantes médicinales à Madagascar

Conférence prononcée au CITE (Centre d’Information Technique et Economique)

Antananarivo, 26 avril 1985

3   -            ANDRIANTSIFERANA R.

                        Impacts potentiels des études ethnobotaniques sur le développement.

                        Rencontre francophone de coopération et de partenariat sur la diversité biologique et la valorisation des ressources phytogénétiques.

                        ACCT. Rabat O4-O8 septembre 1995

4   -            ANDRIANTSIFERANA R.

                        Législation et valorisation de la pharmacopée et de la médecine traditionnelles.

                        Rencontre francophone de coopération et de partenariat sur la diversité biologique et la valorisation des ressources phytogénétiques.

                        ACCT. Rabat 04-08 septembre 1995

5   -            ANDRIANTSIFERANA R.

                        Etudes des milieux et de la faisabilité d’un développement sanitaire intégré dans la région d’Ambalamanenjana. PCDI des aires protégées Complexes Andringitra-Ivohibe

                        Rapport final de la mission CNARP/DPL MinSan.

                        03-17 juin 1996 –WWF – WG 0079

6   -            ANDRIANTSIFERANA R.

Chapitre : Valorisation de la biodiversité dans « Monographie Nationale sur la biodiversité »

Ministère de l’environnement, Ministère des Eaux et Forêts, PNUE, Association Nationale pour la Gestion des Aires Protégées (ANGAP), ONE

Projet GF/03 11/94/63, 1996

7   -            ANDRIANTSIFERANA R.

Vers la réglementation de la médecine traditionnelle à Madagascar.

Bulletin OMS Madagascar, N°06, mars 1997, pp. 9-10

8   -            ANDRIANTSIFERANA R.

                        Projet de développement sanitaire intégré

                        Rapport de mission CNARP/DPL MinSan, 07 – 13 juillet 1997

9   -            ANDRIANTSIFERANA R., RAJAONSON H.

Bilan des filières de la biodiversité

ONE, 1998

10   -        ANDRIANTSIFERANA R.

                        Résultats préliminaires d’enquêtes sur les tradipraticiens de Madagascar.

                        Journal de Médecine et de Thérapeutique, Madagascar, sous presse

11   -        ANDRIANTSIFERANA R.

Les problèmes de la filière Prunus africana Kalkm à Madagascar.

Atelier sur les Méthodes d’intervention et outils de gestion de la biodiversité, Toamasina, 22–24 mars 1999


12   -        ANDRIANTSIFERANA R., représentant le Centre National d’Application des Recherches Pharmaceutiques, Missouri Botanical Garden/Madagascar et Conservation International/Madagascar :

                        Proposition de recherche pour l’utilisation de la biodiversité à Madagascar, mars 1999

13   -        ANDRIANTSIFERANA R.

Utilisation de l’upfront compensation du projet « Utilisation de la biodiversité à Madagascar ICBG »

14   -        ANDRIANTSIFERANA R.

                        Découverte de médicaments et droits de propriété intellectuelle : expériences du CNARP.

                        Atelier sur la Propriété intellectuelle, Fianarantsoa, 18 – 20 mai 1999

15   -        Atelier de validation de Statut de l’Association Nationale des tradipraticiens de Madagascar FO. FIKRI, Ankadikely Ilafy, Antananarivo 25 – 27 mars 1997

16   -        AUMEERUDDY Y, avec la collaboration de OROSE V. N., ANDRIANTSIFERANA R., et RANAIVOARIMANANA P.

Evaluation du Projet : « Madagascar ethnobotany project MG 0049/01 and MG 0049/002 » avril 1995

17   -        BOITEAU P.

Précis de matière médicale malgache

            ACCT, 1979

18   -        BONATI A.

Guidelines for the chemical and biological assessment of herbals and herbal preparations

            UNIDO

19   -        RABESA Z. A.

            Pharmacopée de l’Alaotra

            Edition Fanantenana 1986

20   -        RAKOTOBE E. A., RASOLOMANANA C. J.C. et RANDRIANASOLO S. S.

Pharmacopée de l’ambongo et du Boina

            CIDST, Antananarivo, 1993

21   -        RAKOTOBE E. A., RAZAFINDRABEAZA T., RANDRIANASOLO S. S. et ANDRIANTSIFERANA R.

Remarques sur les données relatives aux dix dernières années d’exportation de plantes médicinales.

            Archives du Centre National de Recherches Pharmaceutiques, 1988, N°7, p.27 – 42

22   -        RAMAROKOTO D., RAMBININTSOA T., RAKOTOARISOA C. H.

L’ajustement structurel à Madagascar (Année 1997 – 1998)

            Primature – Secrétariat Technique à l’Ajustement (STA)

23   -        RDM – Documents préparatoires de la table ronde du secteur santé, Tome 1, mars 1998

24   -        Rapport final de l’atelier sur le projet de loi portant reconnaissance de l’exercice de la médecine traditionnelle à Madagascar.

            INJL/Carion 17 – 20 février 1998

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