La
Place des Pharmacopées et des Institutions Officielles Chargées de la Santé
dans la Valorisation des Plantes Médicinales et de la Médecine Traditionnelle.
Dr Michel Ratsimbason
Département de
Pharmacodynamie
Centre National
d'Application des Recherches Pharmaceutiques - CNARP -
BP
702 Antananarivo 101 Madagascar
email
: mratsimb@syfed.refer.mg
1.
RESUME
L'importance
des enquêtes ethnobotaniques et la place des pharmacopées dans le développement
de phytomédicaments est mise en exergue dans cet article. Le second point
concerne la difficulté de mettre en connexion la pratique traditionnelle des
plantes médicinales et le système officiel de santé. Il est proposé pour
soulever la difficulté de la mise en commun des acquis des deux systèmes,
d'impliquer sans ambiguïté les institutions officielles chargées de la santé
dans la validation des plantes médicinales en tant que phytomédicaments.
2.
INTRODUCTION
La
décision de valoriser la médecine traditionnelle provenait de la difficulté
d'approvisionnement et de l'insuffisance des médicaments d'importation, ce qui
rendait leur prix prohibitif. Les plantes médicinales, sources de médicaments
bien connus, s'offraient comme une solution à ce problème. La démarche
effectuée vers les plantes médicinales était de produire des phytomédicaments.
On espérait ainsi apporter une solution à la pénurie et à la cherté des
médicaments, le but final étant de fournir des produits accessibles à la
majorité mais offrant une garantie d'innocuité et d'efficacité. Les axes
prioritaires pour canaliser les efforts à fournir furent orientés très
logiquement vers les principales maladies tropicales. Les efforts entrepris et
le but de la création des laboratoires étaient de mettre à la disposition et à
la portée du plus grand nombre, des médicaments ou phytomédicaments efficaces.
Après près de 20 ans de débuts des travaux en ce domaine, les résultats sont
loin des espérances attendues. Toutefois les efforts fournis n'ont pas été
totalement vains. Des points positifs ont été acquis qu'il importe maintenant
de valoriser et d'exploiter. Ces efforts ont permis d'acquérir du recul et de
voir sur quels points les efforts doivent se focaliser un peu plus. Les raisons
de cette faiblesse de résultat sont nombreuses et ont été parfaitement
analysées par ailleurs. Pour notre part, nous allons proposer quelques
observations tirées de nos propres activités dans le domaine des tentatives de
valorisation des plantes médicinales.
3.
LES AXES PRIORITAIRES DE RECHERCHE DEFINIS IL Y A 20 ANS
SONT-ILS TOUJOURS D'ACTUALITE ? APERÇU ET CONTEXTE SOCIO-ECONOMIQUE ET SANTE
PUBLIQUE :
Les données
statistiques sanitaires sur la fréquentation des 11 postes sentinelles de
surveillance épidémiologique des maladies transmissibles, répartis sur
l'ensemble du territoire national Malgache, données étalées sur 3 ans
(95-96-97), sont reportées sur le graphique « Statistiques
sanitaires ». Le graphique montre que les premières causes de morbidité,
en ce qui concerne ces maladies, sont les suivantes : les infections
respiratoires aiguës, suivies du paludisme et les diarrhées en troisième place.
Les infections de la peau et les maladies sexuellement transmissibles occupent
respectivement la quatrième et la cinquième place. Ces données statistiques
donnent un aspect quantitatif de ce que les services de santé officiels ont
toujours constaté. Les cas de malnutrition figurent dans la liste car il est
reconnu qu'une malnutrition sous-jacente est souvent présente dans ces
maladies. Dans un pays tel que le Madagascar, il est primordial que ces
maladies épidémiologiques soient mises sous surveillance et à combattre en
premier lieu. L'épidémie de paludisme des années 1980 ayant sévi sur les
régions centrales de l'île et la récente épidémie de choléra prouvent la
nécessité de cette surveillance. Ces données sont en parfait accord avec le
rapport de l'O.M.S. sur la santé dans le monde (1997). Ce rapport précise que
le groupe de maladies le plus meurtrier dans les pays pauvres comprend les
maladies infectieuses et parasitaires. Créée au sein du Ministère de la
Recherche il y a une vingtaine d'années, la première institution
gouvernementale nationale de recherche ayant pour mission l'étude des plantes
médicinales (CNARP) s'est vue notifiée par le Ministère chargé de la santé de
consacrer ses efforts en premier lieu sur ces maladies sévissant beaucoup plus
dans des régions tropicales, ou caractéristiques des pays du tiers - monde. La
raison est la suivante : à l'instar de beaucoup de pays, Madagascar a
connu et rencontre encore des problèmes économiques importants où inflation et
chômage en sont les conséquences. Il en résulte un appauvrissement de la
majorité de la population et un pouvoir d’achat très faible. La situation de
précarité, un faible réseau de voies de communication terrestre, favorisent
l’utilisation des plantes médicinales et de la médecine traditionnelle par une
grande majorité de la population, non seulement dans les régions reculées,
difficile d’accès, mais aussi dans les grands centres urbains. Les autres
maladies ne doivent pas être négligées, car il n'en demeure pas moins que les
maladies cardio-vasculaires, métaboliques ou autres constituent aussi un
problème de santé, puisque le même rapport de l'O.M.S. suscité place les
mortalités d'origine cardio-vasculaire en deuxième place après les maladies
infectieuses et parasitaires, dans les pays en développement. A notre
connaissance, aucune enquête quantitative ne permet cependant de préciser pour
quels genres de maladies la population a le plus recours aux plantes
médicinales ou à la médecine traditionnelle. Les enquêtes ethnobotaniques et
les pharmacopées qui en résultent sont d'une précieuse aide dans le choix des
plantes et des maladies vers lesquelles orienter les recherches. Les enjeux et
l'avenir de nos plantes en dépendent.
4.1
LA MEDECINE TRADITIONNELLE ET LES PLANTES MEDICINALES
PEUVENT-ELLES ETRE ENCORE SOURCE DE SOLUTIONS POUR DES MALADIES?
En parallèle à l'installation des laboratoires de recherche, un effort
considérable a été fourni pour dresser un inventaire écrit des plantes médicinales
auxquelles a recours la pratique populaire pour se soigner. Dans le cas du
Madagascar, l'institution nationale qui s'est attelée à cette tâche, une des
premières a entreprendre ce travail sur le plan national, le CNARP a réuni dans
deux pharmacopées les plantes en usage dans deux régions distinctes de l'Ile.
Grosso modo la méthode d'enquête ethnobotanique consiste à l'interrogation des
tradipraticiens et de la population locale sur les plantes et leurs
utilisations thérapeutiques. Comme dans toute enquête ethnologique de ce genre,
il est difficile de faire une correspondance exacte entre la symptomatologie
empirique décrite par la population et une maladie précise définie de manière
médicale, mais ces données ont leur importance, dans le choix des plantes et
des travaux à effectuer.
Les deux pharmacopées sont les suivantes :
·
la pharmacopée -1- de l'Alaotra, établie en 1984 et recensant 266 plantes
d'une des régions orientales de Madagascar.
·
la pharmacopée -2- de l'Ambongo et du Boina, établie en 1993 et recensant
354 espèces de deux régions contiguës de la côte Ouest de Madagascar.
Parmi les avantages d'avoir une pharmacopée, celui de pouvoir établir
une banque de données à partir des listes de plantes est indéniable. De ces
deux pharmacopées, des listes des plantes pouvant être utilisées dans les
principales pathologies dominantes, telles qu'elles sont classées à partir des
statistiques sanitaires des postes sentinelles de santé, ont été faites.
Pharmacopée -1- : Alaotra :
Maux de ventre : 51/266 19 %
Maladies vénériennes : 40/266 15 %
Fièvre dont le paludisme : 28/266 10 %
Pathologie de la
sphère respiratoire : 25/266 9,4 %
Pharmacopée -2- : Ambongo et Boina :
Maux de ventre : 88/354 25 %
Fièvre dont le paludisme: 58/354 15 %
Pathologie de la
sphère respiratoire : 39/354 11 %
Maladies vénériennes : 31/354 8,7 %
Ces chiffres et pourcentages de plantes utilisées pour une catégorie de
maladies méritent quelques observations. En faisant l'assertion qu'il y a une
relation directe entre le nombre de plantes utilisées pour une maladie et
l'importance de la maladie dans une région donnée, on peut établir une
classification des maladies. Exception faite pour les maladies vénériennes, on
remarque suivant l'importance des espèces citées pour traiter une catégorie
d'affections qu'on peut établir la séquence suivante : les maux de ventre,
suivis de la fièvre et enfin les affections des voies respiratoires. Pour les
deux pharmacopées ces quatre maladies recueillent le plus grand nombre
d'espèces de plantes utilisées pour les soigner. En ce qui concerne les
maladies vénériennes, pour la pharmacopée -1- de l'Alaotra, région orientale de
l'île, les plantes utilisées dans les maladies vénériennes occupent la deuxième
place après celles utilisées dans les maux de ventre et diarrhées. Les plantes
utilisées pour la même pathologie occupent la quatrième place pour la région
Ouest de Madagascar, Pharmacopée -2- de l'Ambongo-Boina. Il apparaît que les
maladies vénériennes constituent une des maladies majeures, pour la pharmacopée
-1- de la région de l'Est de Madagascar. Elles arrivent en seconde place, tout
juste après les maux de ventre. Elles sont au quatrième rang à l'Ouest de
Madagascar, pharmacopée -2-. Pour la pharmacopée -2-, cette maladie des voies
génitales tendrait à être à la même place que les maladies sexuellement
transmissibles (MST) qui figurent dans le diagramme établi avec les chiffres
des postes sentinelles de santé. Sans considération aucune de l'ordre et des
infections cutanées, la correspondance des quatre premières maladies classées
selon le nombre des plantes pour les traiter est frappante avec la
classification des quatre premières maladies objet de fréquentation importante
au niveau des centres de santé. Par contre l'ordre d'importance est
pratiquement inversé. Il faut noter que le graphe des "Statistiques
sanitaires" reporté ici concerne les postes sentinelles de santé répartis
sur l'ensemble du territoire national, et que les caractéristiques régionales
sont masquées de ce fait.
Il faut surtout
retenir, lorsqu'on rapproche ces statistiques sanitaires des renseignements
extraits de ces pharmacopées sur l'état sanitaire d'une localité, la
correspondance dans l'ensemble des maladies pour lesquelles les gens viennent
dans les postes sentinelles de santé et celles pour lesquelles ils ont recours
à la médecine traditionnelle et aux plantes en particulier. Avec la réserve
évidemment que tout ce qui est fièvre n'est pas forcément la malaria et que les
affections respiratoires ne sont pas forcément des infections respiratoires
aiguës, et que tous les maux de ventre ne sont pas des diarrhées. Il apparaît
aussi que les affections pour lesquelles on utilise un grand nombre de plantes
médicinales, sont les mêmes affections que celles que les institutions de
recherche sont chargées de combattre : les diarrhées, la toux et les maladies
de la sphère respiratoire, le paludisme et les maladies parasitaires, vingt ans
plus tôt ? ? ?. A côté des maladies émergentes, ce sont les trois pathologies
permanentes, à propos desquelles on doit constamment rester très vigilant. Ces
observations nous apparaissent, comme des arguments encore forts pour maintenir
et intensifier les travaux sur les plantes.
A défaut de
statistiques fiables sur l'utilisation des plantes pour une catégorie de
maladies, les données consignées dans les pharmacopées peuvent donner un aperçu
de la place qu'occupe une plante dans les pratiques traditionnelles en matière
de soins. Il résulte de l'analyse des données des pharmacopées que les enjeux de
la médecine traditionnelle et des plantes médicinales, à l'heure actuelle et
sur le plan sanitaire, demeurent donc les mêmes que ceux pour lesquels le
Ministère chargé de la santé a chargé le centre de recherche du Ministère
chargé de la recherche de combattre.
4.2
LES PHARMACOPEES : AIDE A LA DECISION DANS LE CHOIX DES
PLANTES A ETUDIER
Les institutions engagées dans les travaux sur les plantes sont
tributaires sur les espèces à étudier des enquêtes ethnobotaniques sur
terrains, qui resteront la base indispensable de leurs travaux. Le fait d'avoir
des pharmacopées apporte un argument supplémentaire dans le choix d'une famille
ou d'espèces de plantes à étudier. Le nombre de citations de la plante, on peut
le penser, est le reflet de sa grande utilisation dans la médecine populaire.
En général une plante est utilisée pour plusieurs affections et l'établissement
d'une liste des plantes traitant au moins deux des trois maladies ; maux
de ventre, fièvre et affections des voies respiratoires ; a permis de
dégager 6 plantes sur 266 à partir de la Pharmacopée -1- : Alaotra et 32 sur
354 pour la Pharmacopée -2- : Ambongo et du Boina. Le tableau suivant regroupe
les six espèces de plantes utilisées au moins dans deux des trois affections
suivantes : intestinales, respiratoires ou fébriles, pour la pharmacopée -1- de
l'Alaotra :
Liste
des six plantes parmi les plus utilisées tirées
de
la pharmacopée -1- de l'Alaotra
|
Famille
|
Genre
|
Espèce
|
Nom vernaculaire
|
|
Anacardiacées
|
Mangifera
|
indica L.
|
Manga
|
|
Composées
|
Helichrysum
|
gymnocephalum (Dc) H. Humb
|
Rambiazina vavy
|
|
Composées
|
Elephantopus
|
scaber L.
|
Difikaombalahy
|
|
Labiatacées
|
Ocimum
|
gratissimum L.
|
Romba
|
|
Labiatacées
|
Hyptis
|
pectinata Poit.
|
Rombatsahona, afolava
|
|
Rubiacées
|
Danais
|
sp
|
Maroampototra
|
Avant le choix définitif, des recherches bibliographiques
orientées vers les travaux chimiques ou biologiques, la densité de la plante,
sa rareté, le statut de la plante (espèce protégée ou non) doivent compléter
les informations sur ces plantes. Notons au passage la présence de trois plantes
aromatiques dans la liste : Helichrysum
gymnocephalum, Ocimum gratissimum
et Hyptis pectinata. Les avantages de
l'établissement de telles listes sont de pouvoir faire des tests sur plusieurs
modèles biologiques expérimentaux, au moins deux, sur une plante et ses
extraits. Il est même permis d'envisager de lancer un programme d'ensemble de
travaux à partir d'une telle liste : recherches pharmaco-chimiques,
cultures,.... Les pharmacopées, non seulement servent ainsi de base à tous les
travaux d'exploitation ou de conservation des plantes médicinales, mais sont
aussi une manière de pérenniser le savoir traditionnel de nos guérisseurs
traditionnels et de leur rendre hommage en immortalisant un savoir qui se perd,
la transmission orale ayant ses limites.
4.3
Les Pharmacopées et les Autoroutes de l'Information :
A l'aube du troisième millénaire et la révolution dans la communication
qu'introduit les autoroutes de l'information et qui abolit les distances et les
frontières, il est souhaité que les chercheurs africains mettent à profit cette
puissante technologie pour se transmettre des informations pertinentes pour
avancer et gagner du temps dans leurs travaux. Cette technologie devrait être
mise à profit pour une grande diffusion ou accessibilité des pharmacopées existantes.
Une réorganisation dans ce sens, entre nous premiers intéressés et premiers
bénéficiaires des résultats sur ces plantes, est un défi à relever.
5.
L'INTEGRATION
DES DEUX MEDECINES TRADITIONNELLE ET MODERNE:
Force est de constater que les deux mondes se sont côtoyés sans se
rencontrer, chacun œuvrant de son côté sans trouver un terrain d'entente bien
que les finalités soient les mêmes : le bien être individuel, de la société.
Pour les pays africains qui ont connu une domination étrangère, la mise en
veilleuse de tout ce qui touche de près ou de loin les valeurs et cultures
nationales a contribué à occulter les pratiques traditionnelles de santé. Les
plantes médicinales, en parlant de l'exemple Malgache, ont subi cette
relégation pendant la période coloniale. On s'efforce actuellement à la
reconnaissance et à la remise en valeur de ce savoir, par un effort de
recensement des tradipraticiens, de leur conférer un statut légal ou autre,
pouvant leur redonner la pratique de leur savoir sans qu'ils aient peur que
l'administration leur cherche noise.
5.1
Opposition Entre les Tradipraticiens et les Médecins :
Dans la difficulté de l'intégration des deux systèmes, le
fonds du problème réside dans deux conceptions différentes de la maladie et de
ce fait de la grande différence dans l'acquisition du savoir et du pouvoir
(l'autorisation) de soigner. En général, elle est complètement ésotérique chez
le vrai tradipraticien. Avoir le pouvoir de soigner, et donc l'autorisation de
soigner, est "un don". L'acquisition du savoir est un amalgame de ce
don et de l'expérience. Ce n'est pas une profession à proprement parler, mais
une action obligatoire pour le tradipraticien d'aider ceux qui viennent
recourir à son savoir, et il laisse aux malades le libre arbitre de lui montrer
de la reconnaissance. Il subvient à ses besoins en vaquant à ses propres
travaux de culture ou d'élevage. Cette acquisition du savoir et de
l'autorisation de soigner, se font selon des modalités et traditions
scolastiques chez nos médecins et professionnels de la santé, qui ont leur
ordre, leur déontologie et des lois qui régissent leur métier. Le défi à
relever est de trouver le moyen de faire bénéficier l'un et l'autre des acquis
des deux systèmes.
5.2
L'Insuffisance d'une Assise Médicale pour Valoriser les
Plantes Médicinales :
Lorsque les travaux sur ces plantes médicinales furent entrepris et
confiés à des institutions nationales de recherche, ce fut d'abord pour donner
une assise scientifique à l'efficacité des plantes médicinales. C'est à dire,
après une vérification d'activité, reproductible au niveau des laboratoires,
leur donner une présentation standardisée, conservable, avec une dose précise
et une toxicité connue et contrôlée, en un mot un médicament au sens moderne du
terme. Mais il est vrai qu'aucune mesure d'ensemble, inscrite dans un programme
unifié et cohérent, n'a été prise pour que les résultats positifs acquis par
les institutions scientifiques de recherche puissent être validés et
disséminés, pour le bénéfice du plus grand nombre. L'absence d'une assise
médicale se fait cruellement sentir à ce niveau.
Pour citer l'exemple Malgache, des exemples de collaboration ont été
tentés entre les tradipraticiens et les médecins sous l'impulsion d'initiatives
individuelles, mais ils restent ponctuels. Des efforts sont entrepris
actuellement pour légiférer sur les tradipraticiens et les plantes médicinales.
Les Ministères chargés de la santé et de la recherche collaborent dans ce
domaine avec la participation active de différents ONG, intervenant dans le
domaine de la santé ou du social. Ils sont encore à pied d'œuvre et il est
prématuré de se prononcer sur les résultats de l'entreprise (et d'autres
personnes sont mieux placées et plus compétentes pour en parler).
Toutefois, les modèles proposés d'intégration doivent respecter
l'intégrité des deux systèmes. En se référant toujours au cas de Madagascar, à
l'heure actuelle, il nous paraît difficile de voir un tradipraticien œuvrer
officiellement dans un centre de santé (sous la tutelle du Ministère chargé de
la Santé). Les raisons sont celles évoquées plus haut: la déontologie des
médecins, la loi en vigueur sur les médicaments et l'exercice de la médecine,
le problème du statut à conférer au tradipraticien dans une telle situation. Le
schéma qui prévaut en général, est le suivant: Une équipe pluridisciplinaire
travaille au sein d'un groupe d’enquête et d’approche auprès des
tradipraticiens ou de la population ayant un savoir sur la vertu des plantes.
Il est possible qu’il y ait des médecins au sein du groupe, mais cette mesure
est insuffisante, car cette présence n'engage nullement le Ministère de la
Santé sur les résultats éventuels. Une des voies pour rendre le personnel
médical confiant dans les plantes médicinales, et par voie de conséquence un
certain respect vis à vis du savoir des tradipraticiens, est de leur confier
une responsabilité directe dans la vérification de l'activité et de
l'efficacité des plantes ou des phytomédicaments.
Il faut que les services officiels de santé soient
impliqués davantage dans la valorisation de la médecine traditionnelle en
général et des plantes médicinales en particulier. Le travail actuel de
valorisation est uniquement fondé sur des travaux scientifiques, au niveau des
laboratoires de recherche, et se fait indépendamment des structures officielles
de santé, qui ont le dernier mot pour tout ce qui est médicament à mettre à la
disposition du public. Notre ambition étant de donner le statut de médicaments
aux plantes médicinales, cette ambition doit se traduire par une décision
politique prise au plus haut niveau, et s’accompagner de mesures telles que les
services officiels de santé puissent statuer, sur les compositions à base de
plantes médicinales, ou phytomédicaments, à mettre à la disposition du public.
A coté des institutions de recherche sur les plantes médicinales, il doit
exister au sein de la structure officielle de santé une entité pouvant
entreprendre des travaux ou pouvant faire entreprendre des contrôles cliniques
d’efficacité et d’innocuité (études toxicologiques), sur ces préparations à
base de plantes. L’existence d’une telle structure est nécessaire lorsque la
finalité est la mise sur le marché local de nouveaux produits pharmaceutiques
créés et conditionnés localement et pour les besoins locaux, qu'ils soient à
base d’extraits de plantes ou d’autres origines. Il va de soi que cette
structure officielle doit travailler de plein concert avec les institutions de
recherche œuvrant dans le domaine des plantes médicinales, qui elles n'ont pas
les obstacles que rencontrent le corps médical pour collecter les données sur
les plantes médicales et les tester sur leurs modèles expérimentaux et qui
collaborent déjà étroitement avec les tradipraticiens. Elles serviront de lien
entre le monde médical et les tradipraticiens.
5.3
Impacts Sociaux et Economiques :
L'instauration de cette structure permettra d'une part d'établir une
pharmacopée des plantes poussant sur nos territoires, faite non plus à partir
seulement de la tradition orale, mais avec une base scientifique et clinique.
Cette dernière fait défaut pour le moment. L'intérêt de ce travail n'est pas
uniquement social, il peut aboutir à l'instauration d'une industrie
pharmaceutique locale, pour la production et la distribution des
phytomédicaments potentiels. Un programme de ce genre ne peut s'appuyer
uniquement sur la récolte, mais des projets de culture et de conservation des
plantes sélectionnées sont leurs pendants obligatoires. Un effet économique est
attendu, mais il est évident que ni le corps
médical, ni les industriels ne se lanceront dans l'utilisation et
l'exploitation de nos plantes que si cette caution d'efficacité et d'innocuité
est assurée.
6.
CONCLUSIONS :
Les conditions écologiques qui prévalent de par le monde avec le
développement de l'industrie rendent primordiaux les travaux de conservation et
de préservation des plantes médicinales. Les travaux d'inventaire botanique et
l'établissement de pharmacopées, consignant les plantes utiles à la santé, sont
parmi les premiers travaux à entreprendre. La forte pauvreté encore régnante en
Afrique et la précarité d'une frange de la population ne pouvant accéder au
système de soins officiel, donnent encore une importance particulière et
actuelle aux plantes médicinales d'un coût modique. Les pharmacopées existantes
qui sont, en quelque sorte, la mémoire écrite des tradipraticiens sur ces
plantes médicinales, doivent être rationnellement exploitées pour arriver à la
mise au point de phytomédicaments accessibles au plus grand nombre. Cet
objectif nécessite une implication beaucoup plus prononcée des responsables
politiques pour sortir les plantes médicinales de leur marginalisation
actuelle. La coopération étroite entre institutions de recherche travaillant
dans le domaine des plantes médicinales et institutions officielles de santé
est à renforcer. L'instauration au sein de la structure médicale officielle
d'une institution chargée de la validation clinique des phytomédicaments créés
à partir de nos plantes médicinales est recommandée pour cet objectif. Des
réglementations doivent être envisagées et accompagner la mise en place de
cette structure. Pour cela, la volonté politique des dirigeants est
primordiale.
6 .
REFERENCES :
·
Rabesa, Z.A.. 1986. La pharmacopée de l'Alaotra. Antananarivo :
Fanantenana, - 288p., photogr., biblio.
·
Rakotobe, E.A.; Rasolomanana, C.J.-C.; Randrianasolo S.S. 1993. Pharmacopées
de l'Ambongo et du Boina. Antananarivo
: CIDST, - 727p., photogr., biblio.
·
Bulletin D'Information En Épidémiologie Et Santé Publique. Ministère de la
santé/FAC/OMS/UNICEF; Antananarivo, Madagascar; n° 0 Juin 1995 au n° 13
Septembre 1998.
·
Ratsimbason, M. Analyse statistique des données sanitaires du
dispensaire catholique d'Ambalamanenjana, pour l’«Etude des milieux et de
la faisabilité d'un développement sanitaire intégré dans la région
d'Ambalamanenjana ». Rapport de la mission CNARP/DPL.Min San. Juin 1996.
·
Andriantsiferana, R. Etude des milieux et de la faisabilité d'un
développement sanitaire intégré dans la région d'Ambalamanenjana. Rapport
final de la mission CNARP/DPL. Min San. Juin 1996.
·
O.M.S., 1997. Rapport sur la santé dans le Monde 1997.- Vaincre la
Souffrance, Enrichir l'humanité. (Rapport du Directeur Général Dr Hiroshi
Nakajima, Ph. D.). Genève, 166p.
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