Généralités sur
les plantes médicinales et
la médecine
traditionnelle au Tchad
Ali Mbodou Langa
SERADEV
BP 1166 Ndjamena
TCHAD
1 -
INTRODUCTION
Ces dernières années, les plantes médicinales suscitent
dans le monde entier un intérêt nouveau et persistant. Se plaçant dans la
foulée des grandes idées écologiques de notre siècle, elles bénéficièrent du
prestige de celles-ci et de l’attrait exercé par tout ce qui paraît naturel ou
ancien. La pharmacologie a aussi bénéficié de ce retour à la nature. Elle a
trouvé et continue encore de trouver dans l’étude des plantes médicinales une
inspiration nouvelle, un réservoir inépuisable de matières premières et des
modèles de structures moléculaires insoupçonnées jusque-là et
pharmacodynamiquement actives.
La médecine traditionnelle à base des plantes médicinales
reste encore vivace au Tchad où presque 75 – 80% de la population est rurale.
Mais compte tenu d’un certain nombre de difficultés, son développement est très
timide et ne suit pas le même élan que son utilisation par les communautés
rurales. Avant de faire un tour des difficultés et des possibilités de la
relance de ce secteur, il nous semble important de faire une brève présentation
du pays (Tchad) et des actions menées jusque-là par l’ONG que nous représentons.
2 -
BREF APERCU SUR LE TCHAD
Enclavé au cœur du continent africain,
le Tchad s’étend sur une superficie de 1.284.000 Km². Il est situé entre le 8°
et le 14° de longitude Ouest. Il est limité au Nord par la Libye, à l’Est par
le Soudan, au Sud par la République Centrafricaine et à l’Ouest par le
Cameroun, le Nigeria et le Niger. Sur le plan administratif, il est subdivisé
en 14 préfectures. Du point de vue bioclimatique, le pays est subdivisé de
façon simplifiée, en trois zones auxquelles sont inféodées des végétations bien
caractéristiques. Ces zones sont :
w
au nord, la zone saharienne avec moins de 200 mm de pluies par an et une
végétation de type xérophytique.
w
au centre, la zone sahélienne avec des précipitations annuelles variant
entre 200 mm et 900 mm, et une végétation steppique bien adaptée à
l’irrégularité inter-annuelle et inter-saisonnière de la région.
w au sud, la zone soudanienne avec des précipitations
atteignant les 1.200 mm/an et une végétation de type tropicale sèche riche en
espèces.
Enfin, la population du Tchad est
estimée, selon le recensement d’Avril 1996, à
6.762.315 habitants repartis entre 256 groupes ethniques. Le pays est au
troisième rang des pays les plus pauvres de la planète avec un PIB par habitant
de 151 Dollars.
3 -
BREF APERCU SUR LE
SECADEV ET SES ACTIONS
Né dans une nécessité d’urgence, le Secours Catholique et
Développement (SECADEV) est une ONG créée par le diocèse de N’Djaména pour
apporter la participation de l’Eglise Catholique au développement dans la
région du Tchad placée sous sa juridiction. Il s’agit en fait d’un territoire
couvrant les huit préfectures des régions centrale et septentrionale du pays,
de climat sahélien et désertique, regroupant plus de la moitié de la
population. Le SECADEV c’est aussi cette ONG dans un pays où la division de ses
fils a engendré des luttes sanglantes aggravées par les sécheresses cycliques
et chroniques du Sahel. Aussi a-t-il fait de la
promotion de l’homme dans une lutte contre la pauvreté et le sous-développement
son seul combat.
Avec sept cellules techniques (agriculture, hydraulique
et bâtiment, écoles communautaires, santé, environnement, femme et
développement, et élevage), le SECADEV travaille en milieu rural qui constitue
le lieu privilégié de ses interventions. Huit projets de développement dans une
région du Sahel allant du Lac Tchad à la frontière du Soudan s’adressent au
monde des agriculteurs et des éleveurs. Il s’agit des projets de Karal, Bokoro
et Bousso dans la préfecture du Chari Baguirmi ; Fitri et Oum-Hadjer dans
le Batha ; Mongo dans le Guéra ; Guéréda dans le Biltine et Adré dans
le Ouaddaï. Le milieu urbain n’est pas non plus négligé. Un neuvième projet
couvre la capitale N’Djaména et sa périphérie.
Enfin en ce qui concerne les actions du SECADEV dans le
domaine des plantes médicinales, il faut noter qu’elles se limitent juste à
l’utilisation des thèmes relatifs à celles-ci dans l’animation/sensibilisation
à la protection de l’environnement et de la biodiversité.
4 -
LES OBSTACTLES DU DEVELOPPEMENT DES PLANTES MEDICINALES
ET DE LA MEDECINE TRADITIONNELLE AU TCHAD
Contrairement à certaines nations qui consacrent
aujourd’hui des budgets relativement important à l’exploration scientifique de
leurs traditions médicinales, au Tchad, un simple inventaire du patrimoine en
plantes médicinales n’a pas encore vu le jour. Cet état des choses est dû à
plusieurs sortes de difficultés, dont nous énumérons quelques unes ci-dessous.
w
Difficultés socioculturelles et religieuses
-
l’éthique traditionnelle de transmission de la connaissance, basée sur
l’apprentissage, l’initiation et l’oralité, fait de la médecine traditionnelle
un domaine de connaissance ésotérique et mystique pour les non-initiés.
-
le scepticisme et l’esprit de supériorité des praticiens de la médecine
moderne d’une part et la méfiance du tradipraticien de santé et son refuge dans
la clandestinité d’autre part, favorisent le charlatanisme et rendent difficile
toute collaboration.
-
Le manque de considération pour les connaissances autres que celles
acquises dans une école occidentale constitue également un obstacle.
-
Enfin, il faut noter le comportement de certains religieux qui considèrent
la médecine traditionnelle comme une pratique animiste ou de la sorcellerie
qu’il faut toujours combattre.
w
Difficultés politico-administratives
Parmi ce type de difficultés, on peut citer :
-
L’inexistence d’une législation nationale en faveur de la médecine
traditionnelle ;
-
L’insuffisance d’un engagement politique concret en faveur du développement
de la médecine traditionnelle ;
-
L’inexistence d’une organisation de la profession des tradipraticiens de
santé et d’un cadre juridique approprié pour son exercice.
w
Difficultés techniques, financières et de ressources
humaines
-
Insuffisance d’institutions de recherche sur la médecine traditionnelle
disposant de moyens matériels et financiers adéquats ;
-
Absence d’une masse critique de personnel qualifié pour mener les
recherches ;
-
Non respect par certains tradipraticiens de santé de la limite de leurs
compétences, conduisant au charlatanisme et au discrédit de la médecine
traditionnelle.
5 -
LES POSSIBILITES DE LA PROMOTION DES PLANTES MEDICINALES
ET DE LA MEDECINE TRADITIONNELLE AU TCHAD
En marge des difficultés énumérées ci-dessus, il existe
toutefois quelques possibilités pour promouvoir les plantes médicinales et la
médecine traditionnelle au Tchad. Ces possibilités sont :
-
les dialogues constants qui commencent à s’installer entre hommes d’église,
praticiens de la médecine traditionnelle et hommes de sciences, pour discuter
des plantes médicinales et de la médecine traditionnelle ;
-
sur le plan politique, l’exercice de la médecine traditionnelle ainsi que
toutes les activités visant une meilleure exploitation de ce secteur sont
formellement encouragés et ceci à tous les niveaux. Actuellement, la promotion
de la médecine traditionnelle fait partie des programmes du ministère de la
santé publique tchadien, qui prévoit chaque année un budget de conséquence.
-
Sur le plan organisationnel, il n’existe pas une législation nationale de
la médecine traditionnelle. Néanmoins, les autorités administratives
tchadiennes n’hésitent pas à encourager tout ce qui concourt dans le sens de la
promotion du secteur. Le Centre d’Elaboration des Médicaments Traditionnels
Améliorés (CEMTAS) de Mr. Oursingbé Ignaton Jean Claude peut être cité comme
exemple. Ces conditions favorables sont également prouvées par les actions
tangibles suivantes :
w le ministère de santé au Tchad reconnaît et encourage
l’existence de la médecine traditionnelle ;
w la création au sein de la faculté des sciences de la
santé d’une Cellule d’Etude et de Recherche en Pharmacopée et Médecine
Traditionnelle (CERPHAMET) ;
w
l’organisation de plusieurs séminaires et ateliers par la Direction de la
Recherche Scientifique et Technique, sur la pharmacopée et la médecine
traditionnelle.
6 -
LISTE DES QUELQUES PLANTES DE LA PHARMACOPEE
TRADITIONNELLE TCHADIENNE
La liste présentée ci-dessous n’est pas exhaustive. Elle
énumère quelques plantes d’utilisation courante de la pharmacopée
traditionnelle au Tchad, avec leur nom vernaculaire en arabe, français ou
ngambaye.
Noms latins
|
Noms vernaculaires
|
Noms latins
|
Noms vernaculaires
|
Alium sativum
Acacia nilotica
Anogeissus leiocarpus
Adansonia digitata
Balanites aegyptiaca
Carica papaya
Chrysanthelum indicum
Eupphorbia hirta
Gardiena ternifolia
Hybiscus sabdariffa
Sclerocaria birrea
Zea mais
|
Ail, Toum
Garat
Sahaba
Kalakouka
Hidjilidj
Papaye
Jarmajaïn
Habil
Bodo ign
Maaji-kosso
Iri-ngand-ngan
Himed
Maçar
|
Acacia polyacantha
Acacia albida
Acacia sieberiana
Azadirachta indica
Butyrospermum parkii
Citrus limonum
Capparis decidua
Dichrostachys cinerea
Grewia villosa
Guiera senegalensis
Manguifera indica
Tamarindus indica
Ziziphus sp.
|
Amsinéné
Haraz
Kouk
Neem
Karité
Lemoun
Toumtoum
Kadat
Nga-nguina
Kam-ndaa
Mongo
Ardeb
Corno
|
7 -
CONCLUSION
Le domaine des plantes médicinales et de la médecine
traditionnelle au Tchad est jusque-là vierge et inexploré. Un grand travail
d’investigation reste à faire. L’état, les ONG, les hommes de sciences et les
tradipraticiens sont tous conscients des efforts à entreprendre pour mieux
connaître et exploiter cette ressource. Cependant, le programme d’ajustement
structurel et les restrictions budgétaires qu’il engendre au niveau de l’état,
les difficultés que les ONG et chercheurs rencontrent pour avoir des
financements ne permettent pas actuellement d’entreprendre quelque chose dans
l’immédiat. Mais nous espérons que cet atelier nous permettra d’avoir les
éléments de base nécessaires à la mise en route d’une exploration adéquate de
cette ressource.
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