CONFERENCE
INTERNATIONALE SUR LES PLANTES MEDICINALES ET LA MEDECINE TRADITIONNELLE EN
AFRIQUE
Nairobi, kenya, 22 - 26 Novembre 1999
Document présenté par
Rabodo ANDRIANTSIFERANA
Centre Nationale d’Application des Recherches
Pharmaceutiques (CNARP)
BP 702 - 101 ANTANANARIVO - MADAGASCAR
cnarp @ syfed.refer.mg
PLAN
- Résumé
- Introduction
1 - Situation socio-économique et santé
publique à Madagascar
2 - Les plantes médicinales
2.1
- Les éléments des plantes médicinales
2.2
- L’exploitation des plantes médicinales
2.3
- Avenir de l’exploitation des plantes médicinales
3 - La médecine traditionnelle
3.1
- Le comité mixte d’étude
3.2
- Recensement des tradipraticiens
3.3
- Statut de l’ANTM
3.4
- Projet de loi portant reconnaissance de l’exercice de la médecine
traditionnelle à Madagascar
4 - Les recherches sur les plantes médicinales
4.1
- Historique
4.2
- Les principales institutions de recherche
.
IMRA
.
CNARP
. Université, CNR
.
ONG
5 - Production de phytomédicaments
6 - Découverte de médicaments et droits de
propriété intellectuelle
7 - Conclusion
Références
Rabodo
ANDRIANTSIFERANA CNARP 1999
RESUME
L’économie malgache se relève, mais les
conditions socio-économiques des populations sont encore déplorables. Faible,
la population est caractérisée par sa jeunesse et une courte espérance de vie.
La plupart des maladies tropicales sévissent à Madagascar, mais l’incidence du
SIDA est encore faible.
La richesse de la flore est insuffisamment
exploitée par la médecine traditionnelle. Une vingtaine de plantes médicinales
se retrouvent plus ou moins régulièrement sur le marché international. Leur
poids économique est encore faible. La réorganisation des filières en vue de
leur pérennisation s’impose ; elle comprend en particulier la conscientisation
des différents acteurs pour une utilisation durable des ressources.
La médecine traditionnelle joue un rôle
important en santé publique. Le Ministère de la santé, appuyé par l’OMS,
entreprend des actions visant à son intégration rationnelle dans le système de
santé officiel.
En matière de recherches, secteur privé et
secteur public rivalisent de dynamisme depuis la décision du pouvoir politique
de prendre en main la recherche en 1975. Cependant, malgré l’assistance de
coopération bi ou multilatérale, la collaboration avec des laboratoires du Nord
est encore incontournable.
La production de phytomédicaments est semée
d’embûches: importation des consommables pour les extractions, le contrôle de
qualité, la formulation galénique et le conditionnement. De plus, les textes
réglementant les autorisations de mise sur le marché sont en cours de
remaniement, laissant des dossiers en instance.
Enfin, la protection des résultats de
recherche et le partage juste et équitable des bénéfices découlant de
l’exploitation des ressources génétiques préoccupe Madagascar, qui vient d’y
consacrer un atelier.
Rabodo ANDRIANTSIFERANA
CNARP 1999
INTRODUCTION
Si la richesse floristique de Madagascar a
émerveillé et attiré dès le début de la colonisation, la médecine
traditionnelle a au contraire suscité la méfiance. Assimilée à la sorcellerie,
elle a été interdite et sévèrement réprimée. Le retour de l’indépendance n’a
pas aidé la médecine traditionnelle à retrouver ses lettres de noblesse, car
toute la recherche était encore concentrée entre les mains des français. Les
études ethnobotaniques se sont pourtant accumulées et la pharmacopée malgache
s’est petit à petit élaborée.
C’est le sursaut des scientifiques Africains
d’après l’indépendance qui a donné un véritable coup de fouet à la recherche
sur la médecine et la pharmacopée
traditionnelles africaines et malgaches. A Madagascar, le Prof A. Rakoto
RATSIMAMANGA a le premier créé un institut de recherches privé sur les plantes
médicinales. Directeur de recherche au CNRS, Ambassadeur de Madagascar en
France, collaborateur des laboratoires Laroche-Navarron, il était très bien
placé pour comprendre la place et l’enjeu des plantes médicinales et de la
médecine traditionnelle dans l’avenir des pays africains nouvellement
indépendants. Car outre, l’aspect purement scientifique, la médecine
traditionnelle était aussi l’affirmation de l’identité culturelle, et avait en
plus une importance économique. A cette époque les plantes médicinales
malgaches avaient déjà percé le marché mondial grâce au MADECASSOL tiré de Centella asiatica, fruit des travaux du
Prof. A. Rakoto RATSIMAMANGA avec les
laboratoires Laroche Navarron, et avec les produits anti-cancéreux de Catharanthus roseus, mis au point par
les laboratoires Eli Lilly aux USA.
Dans les années 70, un vent quasi planétaire a
soufflé pour réveiller et revigorer la médecine et la pharmacopée
traditionnelles. L’OMS, l’Agence de Coopération Culturelle et Technique et
Technique (ACCT), le CAMES (Conseil Africain et Malgache de l’Enseignement
Supérieur), l’ONUDI, entre autres, ont lancé, soutenu ou recommandé des
programmes de recherche et de valorisation des plantes médicinales et de la
médecine traditionnelle.
La débâcle économique après le premier choc
pétrolier a contraint les autorités politiques à accorder plus d’attention à la
question. Face à la détérioration des termes de l’échange entre le Nord et le
Sud, les prix des médicaments occidentaux importés, augmentaient de plus en
plus, alors que le pouvoir d’achat des populations du Sud ne cessait de
baisser.
Ces concours de circonstances ont amené
certains pays comme Madagascar à créer des Centres de Recherches spécialisés
sur les plantes médicinales et la médecine traditionnelle. Mais au début, la
politique et les stratégies étaient plutôt timides, peu claires. Les recherches
étaient cantonnées aux plantes médicinales, sources potentielles de découverte
de médicaments. L’aspect socio-culturel de la médecine traditionnelle était
complètement occulté.
Deux décennies d’expériences avec des
tentatives de rectification d’approche ou d’orientation, des collaborations
multi ou bilatérales, nationales et internationales, n’ont pas encore permis de
trouver la voie idéale.
Les bouleversements politiques successifs, en
quête de la meilleure stratégie pour un développement économique et social
réel, n’ont pas facilité les tâches des chercheurs.
C’est dans ce contexte économico-politique,
que nous essaierons de présenter les plantes médicinales et la pharmacopée
traditionnellle à Madagascar.
Rabodo
ANDRIANTSIFERANA CNARP 1999
1 -
SITUATION SOCIO-ECONOMIQUE ET SANTE PUBLIQUE A
MADAGASCAR
En 1997, une nouvelle équipe politique arrive
au pouvoir et trois accords financiers principaux sont bouclés : FASR (FMI),
CAS (BM) et accords avec le Club de Paris.
- Le Document Cadre de Politique Economique,
qui est la base du programme appuyé par le FASR et le CAS1 est mis en oeuvre en
1997.
L’évolution
des prix montre une bonne performance :
- la variation de l’indice des prix à la
production ou déflateur du PIB est de 7,4% (objectif annuel = 10,2%)
- la variation de l’indice des prix à la
consommation est de 6,3% (Déc 96 - Déc 97) au lieu de 8,8% (Déc 95 - Déc 96),
traduisant un retour vers la stabilité.
Les dépenses publiques se sont contractées
(-3,5%) en 1997. Si les dépenses courantes ont baissé de 7,7% les dépenses d’investissement n’ont cependant
accusé qu’une modeste progression de 8,3%.
Cette évolution modérée des dépenses publiques
a permis de ramener le déficit global à un niveau plus bas : 2,2% du PIB sur
base engagements et 2,3% du PIB sur base décaissements.
Pour la troisième année consécutive, le Trésor
a pu se désengager vis-à-vis du système bancaire. Mais le financement intérieur
non bancaire a été positif.
L’ampleur de la détérioration des termes de
l’échange est moins importante (-6,2%) que celle de 1996 (-17,5%).
Si la situation économique et financière a
évolué favorablement au cours des deux dernières années, la situation sociale
demeure préoccupante.
Les données du recensement de 1993 sont :
- population : 12,2M
- taux de croissance annuel moyen : 2,8%
- densité de population : 21h/km
- 44% : < 15 ans
- 77% : zones rurales
- 50,4% : sexe féminin
- espérance de vie : 52 ans
-
analphabètes : 52,8%
- population active : 81,5% agriculture
13,4% services
5,1% industrie
- indice synthétique de fécondité : 5,9 (6,1
en 1992)
- prévalence contraceptive : 19,4% (16,7% en
1992)
Pour la santé des enfants :
- taux de mortalité infantile : 96‰
- taux de mortalité infanto-juvénile : 159‰ (TMMJ)
- taux de couverture vaccinale (12 - 23 mois)
: 36,2%
La mortalité infantile est due à :
- maladies diarrhéiques : 30%
- malnutrition : 20%
- paludisme
: 10%
- IRA : 9%
Rabodo
ANDRIANTSIFERANA CNARP 1999
Pour la santé
de la mère :
- 47,3% des accouchements sont assistés par un
personnel de santé qualifié
- 40 à 80% des femmes enceintes souffrent
d’anémie.
Parmi les maladies transmissibles, le
paludisme est la première cause de consultation et de décès parmi les enfants
de moins de 5 ans.
Le risque
annuel de tuberculose est de 1,5% ; l’incidence annuelle théorique est
de 20 000 nouveaux cas.
La prévalence de l’infection à VIH est encore
faible, mais elle s’accroit régulièrement. Dans la population générale, la
séroprévalence est estimée à 0,07% (1995).
La prévalence des maladies sexuellement
transmissibles est très élevée : gonococcie 4,5‰, syphilis 3,5‰.
Endémie pesteuse, lèpre et bilharziose
complètent ce tableau.
3M de personnes vivent dans des zones
d’endémie goitreuse.
Les ressources humaines en santé comptent :
- 4 500 médecins : . 24% secteur public (49% : milieu rural)
. 34%
secteur privé (dans les agglomérations)
. 42%
sous-employés ou en chômage
- Pharmaciens :
220
- Chirurigiens dentistes : 360
- Sages-femmes :
1 635
- Infirmiers :
3 124
- Aides-sanitaires : 1 282
- Tradipraticiens : > 4 000
2 - LES
PLANTES MEDICINALES A MADAGASCAR
2.1 - Les éléments des plantes médicinales
Sur les 12 000 espèces que compte la flore de
Madagascar, environ 2 300 ont été recensées comme plantes médicinales, soit
18,95%. Elles appartiennent à 808 genres et 196 familles. Le taux d’endémisme
est de 39,6% au niveau des espèces et de 8,5% au niveau des genres. La médecine
et la pharmacopée traditionnelles
n’exploitent donc pas suffisamment la richesse et l’originalité de la flore
malgache.
Le regroupement des plantes médicinales par
indication thérapeutique permet le classement suivant :
N°
d’ordre
|
Indications
thérapeutiques
|
%
|
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
|
Maladies de l’appareil digestif
Maladies de l’appareil génital
Maladies du système nerveux
Maladies de la peau
Maladies de l’appareil respiratoire
Troubles métaboliques
Troubles de l’appareil urinaire
Anti-inflammatoires
Traumatisme
Paludisme et splénomégalies
Fortifiants
Maladies vénériennes
Toxiques
Parasitoses intestinales
Maladies du foie
Maladies ostéo-articulaires
Maladies cardio-vasculaires
Aphrodisiaques
Insecticides
Tumeurs
|
15
11
10
9,6
6,7
5,8
5,3
5,0
5,0
5,0
4,8
3,7
3,7
3,4
3,2
3,2
0,6
0,6
0,6
|
PRINCIPALES
ESPECES VEGETALES EXPORTEES POUR USAGE PERSONNEL
Noms
scientifiques
|
Noms
vernaculaires
|
Familles
botaniques
|
Mystroxylon
aethiopicum
Aphloïa
theaeformis
Helichrysum
sp.
Centella
asiatica
Clidemia
hirta
Cussonia
bojeri
Lygodium
lanceolatum
Andropogon
citratus
Azolla
pinnata
Mollugo
nudicaulis
Catharanthus
lanceus
Cedrelopsis
grevei
Eucalyptus
globulus
Toddalia
asiatica
Hylocereus
sp
Pentopetia
androsaemifolia
Pauridiantha
lyallii
Cassytha
filiformis
|
Fanazava
Ravimboafotsy
Rambiazina
Talapetraka
Mazambody
Tsingila
Karakaratoloho
Veromanitra
Ramilamina
Aferontany
Vonenina gasy
Katrafay
Kininimpotsy
Anakatsimba
Fakantsilo
Tandrokosy
Tamirova
Tsihitafototra
|
Célastracées
Flacourtiacées
Composées
Ombellifères
Mélastomatacées
Araliacées
Schizéacées
Poacées
Salviniacées
Molluginacées
Apocynacées
Méliacées
Myrtacées
Rutacées
Cactacées
Asclépiadacées
Rubiacées
Lauracées
|
2.2 - L’exploitation des plantes
médicinales
Les plantes médicinales sont consommées par
toutes les couches de la population, aussi bien rurales qu’urbaines. Elles
participent à plusieurs secteurs : médecine traditionnelle, herboristerie,
industrie pharmaceutique. Elles jouent donc un rôle important au plan
socio-économique, aussi bien à l’échelle
micro-économique, que méso ou macro-économique.
Rabodo
ANDRIANTSIFERANA CNARP 1999
L’exploitation des plantes médicinales peut
être divisée en plusieurs filières, selon les relations entre les différents
acteurs, les postes d’activité identifiés étant : la cueillette (ou récolte), la collecte, le traitement ou la
transformation, la consommation et l’exportation.
Schéma des différentes filières des plantes
médicinales
Cueillette Collecte Consommation locale Exportation
Paysans
|
Paysans
|
Paysans tradripraticiens
|
Consommateurs ruraux et urbains
|
Petits revendeurs au public
|
Consommateurs urbains
|
Herboriste
|
Paysans
|
E
X
P
O
R
T
A
T
I
O
N
|
Paysans
|
Collecteurs
|
Exploitant usinier
|
Collecteurs
|
Paysans
|
Collecteurs salariés
|
Exploitant
exportateur
|
Tous
consommateurs
|
Marchands de plantes médicinales = petits
revendeurs au public
|
Paysans
|
Les filières 1 et 2 jouent un rôle important
en milieu rural, non seulement au niveau de la santé, mais aussi au plan
socio-culturel.
Les enquêtes ethnobotaniques réalisées à leurs
niveaux ont montré leur importance en tant que réservoir de connaissances
traditionnelles.
La filière 6, pour le seul marché de la
capitale (Antananarivo) a réalisé un chiffre d’affaires de
32 189FF en
1994.
Rabodo ANDRIANTSIFERANA
CNARP 1999
Les filières 4 et 5 concernent les marchés
d’exportation de plantes médicinales. En effet, une vingtaine de plantes
médicinales apparaissent régulièrement ou sporadiquement sur le marché
international. Trois d’entre elles ont constamment tenu la scène depuis plus de
deux décennies : il s’agit de Catharanthus
roseus, Centella asiatica et Prunus africana (ouPygeum africanum). Les autres sont : Aphloia theaeformis, Areca
madagascariensis, Calophyllum
inophyllum, Drosera ramentaceae, (syn Drosera
madagascariensis), Eugenia jambolana,
Harungana madagascariensis, Hazunta
modesta, Medemia nobilis, Moringa oleifera, Rauwolfia confertiflora,
Siegesbeckia orientalis, Voacanga thouarsii.
Madagascar exporte en
moyenne 600 tonnes de plantes médicinales par an. Jusqu’en 1995, ce marché
rapportait environ 7 millions de FF FOB. Catharanthus
roseus représentait 81% de ce marché
en quantité et 47% en valeur. Centella
asiatica 8,9% en quantité et 16% en
valeur, Prunus africana, 0,50% en
poids et 23% en valeur. L’impact de la transformation locale de Prunus africana sur la valeur des
produits exportés est flagrant. Il ne cesse d’ailleurs d’augmenter et avoisine
les 50% de la valeur totale des exportations de plantes médicinales ces
dernières années.
2.3 - Avenir de l’exploitation des plantes
médicinales
Les principaux acteurs qui interviennent dans
l’exploitation des plantes médicinales sont : les paysans (récolteurs et/ou
consommateurs), les collecteurs, les exploitants (usiniers et/ou exportateurs).
Lorsque les paysans prélèvent des
plantes médicinales dans la nature pour leurs propres besoins, ils menacent
rarement la survie de ces ressources : leur collecte est minime, les
tradipraticiens pratiquent généralement des méthodes qui assurent l’utilisation
durable.
Il en est autrement lorsque la cueillette est
pratiquée comme activité secondaire, pour augmenter les revenus familiaux. Le
principal souci est alors la rentrée immédiate et maximale d’argent liquide.
Par ailleurs, la recherche de la commodité, du
moindre effort et de la rapidité ne permettent pas de se soucier de la gestion
de la ressource.
Les problèmes de conservation sont donc
fonction des types biologiques des ressources et des parties prélevées.
Pour Centella
asiatica : c’est la tige feuillée qui constitue la drogue. L’IMRA/
Soamadina a sensibilisé les cueilleurs au fil des collectes, pour qu’ils ne
coupent que le pétiole a lieu d’arracher la plante entière. Le travail est plus
pénible et le rendement plus faible, mais la régénération de la ressource est
assurée. Comme les gisements sont nombreux à travers l’île, la ressource est
abondante et son utilisation a des chances d’être pérenne.
Drosera
madagascariensis : c’est la plante entière qui est
demandée sur le marché. Rares sont les cueilleurs qui la coupent à la main pour
préserver les rhizomes nécessaires à la régénération. Par ailleurs, la
distribution géographique de cette espèce n’est pas connue. L’importance des
gisements devrait être évaluée pour adopter les méthodes d’intervention et les
outils de gestion adéquats.
Catharanthus
roseus : la plante entière est déterrée à
l’ angady , pour prendre les racines d’une part, et les
feuilles - tiges feuillées d’autre part. La pervenche malgache est considéré
comme une peste par les paysans, car elle envahit spontanément les champs
laissés en jachère. Les peuplements sauvages arrivent largement.
Pour Areca
madagascariensis, Voacanga thouarsii, Medemia nobilis et Callophyllum ionophyllum le
prélèvement des graines ne constitue pas une menace s’il n’entraine pas
l’abattage de l’arbre.
Rabodo
ANDRIANTSIFERANA CNARP 1999
Mais l’avenir de l’exportation est
problèmatique lorsque la drogue est constituée par l’écorce.
Pour Rauwolfia
confertiflora, aucune alternative n’existe car il s’agit en plus de
l’écorce de racine ; heureuseument, l’exportation est sporadique et dégressive.
Le cas le plus préoccupant actuellement est
celui de Prunus africana. L’importance
de ce produit dans l’industrie pharmaceutique constitue une réelle pression
pour intensifier son exploitation. Plusieurs études menées simultanément en
1994 ont toutes montré les menaces qui pèsent sur cette ressource : la
régénération naturelle est aléatoire, le prélèvement de l’écorce est toujours
destructeur, qu’il se fasse par écorçage ou par abattage, or la densité de la population est faible.
Ces constats ont conduit à l’inscription de Prunus
africana à l’annexe II de la CITES
en 1995. Par réaction, SODIP, la principale société exploitatrice
(transformation et exportation) a démarré un essai de culture ex situ à
partir de sauvageons, depuis 1997. Les résultats, bien qu’encore médiocres,
sont riches d’enseignement pour la suite des opérations.
Les collecteurs servent
d’intermédiaires entre les paysans - cueilleurs et les exploitants
exportateurs. Le profit est leur
principal objectif. Ils ne se préoccupent donc pas des problèmes de conservation des
ressources, et cherchent même à tirer profit des difficultés matérielles des
paysans.
Les exploitants - exportateurs constituent
la cheville ouvrière de la filière. Eux seuls, disposent des données relatives
au marché (envergure et volume), fluctuation des prix, identité des clients
avec leurs stratégies et leurs caractéristiques, orientations nouvelles dans la
filière ou le secteur etc...). par ailleurs, ils sont les mieux informés de
l’environnement politico-juridique dans lequel ils opérent.
De ce fait, ils devraient être les premiers
responsables de la santé et de la pérennité des filières qu’ils travaillent.
Etant les plus gros bénéficiaires de
l’exploitation des ressources de la biodiversité, ils devraient assurer le
professionnalisme à tous les niveaux de la chaîne et veiller à une répartition
équitable des avantages, dans l’esprit de la convention sur la diversité biologique.
3 - LA
MEDECINE TRADITIONNELLE A MADAGASCAR
La médecine traditionnelle a toujours existé à
Madagascar, mais sa réglementation a été désorganisée.
Du temps du roi Andrianampoinimerina en 1800,
l’utilisation et la commercialisation des plantes médicinales étaient déjà
réglementées pour protéger la santé et l’individu. Ces dispositions ont encore
été confortées par le code des 305
articles de 1881, pour ce qui concerne la vente des médicaments et des remèdes.
Mais à partir de 1896, les plantes médicinales et les pratiques traditionnelles
de soins de santé ont été sévèrement écartées du système de santé. Elles n’ont
été tolérées qu’après 1960 (indépendance).
Or la médecine traditionnelle fait partie
intégrante de la culture malgache. Ainsi, plus de 4 000 tradipraticiens sont
répartis à travers tout le pays, entretenant des relations constantes et
étroites avec la population, dont 80% recourent à leur savoir-faire. Basé sur
les relations avec les ancêtres, leur art de soigner témoigne de l’unité des
malgaches. Utilisant généralement des plantes médicinales, les tradipraticiens
sont très conscients de l’importance de la biodiversité. Ils constituent de ce
fait de précieux acteurs pour la protection de l’environnement et en
particulier pour la prévention des feux de brousses. Leur contribution à
l’exploitation durable de ces ressources naturelles représente donc un poids économique non négligeable.
Pour toutes ces raisons, il était nécessaire
de donner à la médecine traditionnelle
et à ses praticiens la place qu’ils méritent.
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3.1 - Une Commission mixte d’étude de la
réglementation de la médecine et de la
pharmacopée traditionnelles à Madagascar a donc été créée en 1996. Elle a
maintenant à son actif :
- le recensement des tradipraticiens
- l’élaboration du Statut de l’Association
Nationale des Tradipraticiens de Madagascar
- le projet de Loi portant reconnaissance de
l’exercice de la médecine traditionnelle à Madagascar.
3.2 - Recensement des tradipraticiens
Compte-tenu de l’étendue de Madagascar et des
difficultés de communication, deux voies ont été adoptées pour atteindre les
tradipraticiens :
- les syndicats et associations de
tradipraticiens ont distribué à leurs membres le questionnaire élaboré au CNARP
- le service de Médecine et de Pharmacopée
traditionnelles du Ministère de la Santé a élaboré un questionnaire destiné aux
responsables de district de santé, qui devraient collecter les données
relatives aux tradipraticiens.
Les retours des questionnaires se font
attendre dans les deux approches.
Même s’ils sont approchés par leur pairs, les
tradipraticiens hésitent à se faire connaître : ils redoutent l’administration
pour ses répressions éventuelles, pour la réclamation de patente ou d’impôts.
Quant aux médecins responsables de district de santé, débordés de travail, peu
sensibilisé à la médecine
traditionnelle, ils ne peuvent pas accorder une priorité au
questionnaire.
Cependant, l’analyse de deux échantillonnages
de réponses a été réalisée sur le
questionnaire du CNARP. Un groupe est constituté de tradipraticiens exerçant
majoritairement en milieu citadin, le second comprend surtout des ruraux. Dans
les deux cas, les facteurs qui conduisent à l’exercice de la médecine
traditionnelle sont par ordre d’importance : les manifestations des ancêtres,
l’héritage, la décision personnelle, l’enseignement ou les dons naturels.
Pour le diagnostic, le groupe des citadins fait appels en priorité aux
manifestations des ancêtres et aux cartes ; alors que pour le second groupe,
les manifestations des ancêtres et l’astrologie interviennent en premier.
Au plan du traitement, les pratiques sont
sensiblement les mêmes, même au niveau des fréquences d’utilisation. Ce sont
par ordre d’importance décroissante : les produits naturels d’origine végétale,
animale ou minérale), les interventions personnelles (mains, salive, influence
psychologique), les remèdes « ésotériques », les manifestations des
ancêtres (médium...) et l’astrologie. Logique et cohérence se sont dégagées des
relations entre les différents paramètres étudiés : la médecine traditionnelle
et ses pratiques sont en étroite relation avec
les conditions socio-économiques et en outre, ont un fondement fortement
culturel.
3.3 - Statut de l’Association Nationale des
Tradipraticiens de Madagascar (ANTM)
Un atelier organisé par le Ministère de la
Santé, sous l’égide de l’OMS/Madagascar a réuni des représentants des
tradipraticiens des six provinces de Madagascar en mars 1997. En trois jours
ils ont validé le projet de Statut
préparé par la Commission mixte. L’objectif principal du Statut est la mise en
place du système de sélection des tradipraticiens, en vue de leur intégration
dans le système de santé officiel.
Il est institué un comité consultatif communal,
composé de quatre tradipraticiens choisis parmi
leurs pairs, d’un Chef traditionnel désigné
par ses homologues, du responsable du Centre de santé de Base et du maire de la
commune. Ce Comité est chargé d’examiner les demandes d’adhésion des tradipraticiens
à l’ANTM. Il transmet le procès verbal de ses propositions, signé de tous les
membres, au Chef du Service de santé de District. Après y avoir apposé ses
appréciations, celui-ci l’achemine au Ministère de la Santé qui saisit le
Conseil National.
Rabodo
ANDRIANTSIFERANA CNARP 1999
Le Conseil National est composé des tradipraticiens représentant les
différentes disciplines de la médecine traditionnelle, de la commission mixte
chargée de la réglementation de la médecine traditionnelle et de représentants
du Ministère de la Santé.
Le Conseil National a pour rôle de concevoir ,
de coordonner, d’animer, de suivre et d’évaluer. La qualité de membre de l’ANTM
s’acquiert par décision du Ministère de la Santé sur proposition du Conseil
National.
Tout membre régulièrement inscrit doit
posséder :
- une attestation de tradipraticien délivrée
par le Ministère de la Santé
- une carte d’adhésion, signée par le
président de l’ANTM
Depuis la validation du Statut de l’ANTM, les
tradipraticiens sont invités à s’organiser en association, pour faciliter la
mise en place et le fonctionnement du mécanisme décrit précédemment. Les
résultats varient en fonction du dynamisme des meneurs.
3.4 - Projet de loi portant reconnaissance
de l’exercice de la médecine traditionnelle à
Madagascar
Le flou jurdique qui entoure la médecine et la
pharmacopée traditionnelles constitue un gros handicap pour toutes les études
qui se proposent de les revaloriser.
Pour convaincre les tradipraticiens et tous
ceux qui recourent à la médecine traditionnelle de la bonne foi du pouvoir
politique, il était nécessaire de proposer une loi reconnaissant l’existence de
la médecine traditionnelle à Madagascar.
Le projet de textes élaboré par la Commission
mixte a fait l’objet d’un atelier d’examen et de validation en février 1998.
Représentants d’associations et syndicats de tradipraticiens, délégués des
ordres de médecins, pharmaciens, infirmiers et sages-femmes, représentants des
ministères concernés par la recherche, l’enseignement, la sécurité et la
défense nationales ont pu y participer, grâce au soutien financier de l’OMS,
appuyant l’initiative du Ministère de la Santé.
Après corrections finales et mise en conformité
juridique par le service des contentieux du Ministère de la Santé, le projet de
loi attend maintenant sa présentation au Conseil du Gouvernement. Selon le
Ministère de la Santé, il ne pourra
passer qu’après l’adoption de la Politique Nationale de la Santé et le
Code de déontologie des médecins, programmés pour cette année.
Mais en attendant, la Commission mixte se
prépare pour l’élaboration des textes d’application : Décret portant
organisation de l’exercice de la médecine traditionnelle, et Arrêté fixant les
règles de l’exercice de la médecine traditionnelle.
4 - LES
RECHERCHES SUR LES PLANTES MEDICINALES
4.1 - Historique
La flore de Madagascar a toujours émerveillé
les naturalistes par sa richesse et par son originalité. Mais son utilisation
empirique a aussi attiré l’attention.
Ce sont d’abord les plantes jouant un rôle socio-culturel qui
ont éveillé la curiosité : le tanghin (poison d’épreuve) fourni par les racines
de Menabea venenata. Puis ce fut le
tour des plantes réputées efficaces contre les affections les plus
préoccupantes, telles que le paludisme et ses complications, la lèpre... Ceci
se situe à la fin du 19è siècle.
Les informations sur l’utilisation des plantes
ont été ainsi notées petit à petit. Au début du siècle, les recueils de notes
sur les pharmacopées régionales se multiplient. Ils s’ intensifient énormément
pendant la seconde guerre mondiale qui a coupé Madagascar de tout échange avec
l’Europe. Contraints de soigner avec les moyens du bord, médecins modernes et
chercheurs ont collaboré pour mieux connaître la pharmacopée et la médecine
traditionnelles malgaches et pour
Rabodo
ANDRIANTSIFERANA CNARP 1999
en
tirer le meilleur parti. Pendant les années d’isolement total (1940 -
1946), des formules issues de la pharmacopée
traditionnelle ont été mises à l’épreuve, parfois complétées ou
précisées quant à la posologie. De ces expériences inestimables, P. Boiteau a
établi des fiches thérapeutiques qu’il a rassemblées dans l e « Précis
de matière médicale malgache » édité en 1979.
Après la guerre, l’Institut de Recherche
Scientifique de Madagascar (IRSM) est créé. Son département des plantes
médicinales, parmi ses activités, s’est donné pour tâches de recueillir tous
les renseignements sur l’utilisation empirique de la flore dans le domaine
thérapeutique. C’est grâce à ces enquêtes ethnobotaniques poursuivies par
l’ORSTOM (Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-mer) qu’ont pu
être édifiées les Pharmacopées de
Madagascar par Pernet, Meyer, Bost, Debray, Jacquemin, Razafindrambao.
Après 1972, le Gouvernement Malgache a pris en
main la recherche scientifique à Madagascar. Tous les Instituts de recherche
français sont partis, sauf l’institut Pasteur.
4.2 - Les principales institutions de recherche
Dès la création de l’OUA en 1983, les
scientifiques africains et malgaches ont éprouvé le besoin de constituer une
Commission Scientifique et Technique de la Recherche.
Le prof A. Rakoto RATSIMAMANGA qui en a été l’un des promoteurs-fondateurs, a par
la suite créé à Madagascar son propre
institut des recherches sur les plantes médicinales : l’Institut Malgache de
Recherche Appliquées. Véritable pionnier par son approche socio-économique,
cet organisme reconnu d’utilité
publique, a maintenant une grande renommée internationale et connait un
remarquable développement de ses installations.
Créé plus tard (1976), le Centre National
de Recherches Pharmaceutiques, a pour mission de valoriser la médecine et
la pharmacopée traditionnelles, en vue de mettre à la disposition de la
population des phytomédicaments de qualité, mais à des prix abordables.
Pendant les premières années de son existence,
le CNRP s’était conformé au schéma
préconisé par l’OMS, basé sur ses cinq départements :
Les recherches commencaient au Département de
botanique et ethnobotanique, par des collectes d’informations auprès des
tradipraticiens et des populations rurales. Les plantes ainsi sélectionnées
étaient confiées au Département de Pharmacodynamie pour vérification de
l’activité présumée sur des tests spécifiques, et pour un test hyppocratique.
Les résultats positifs permettaient au Département de Chimie d’entrer dans la
chaine d’investigations. Guidée par la Pharmacodynamie, les extractions
successives visent à isoler les principes actifs, dont les structures seront
déterminées avec l’aide de laboratoires étrangers disposant de RMN et de
spectroscopie de masse. Si l’index thérapeutique est favorable, les
départements de Pharmacie Galénique et d’Expérimentation Clinique poursuivent
les recherches.
Si tous les résultats sont concluants, le
dossier de demande d’autorisation de mise sur le marché est constitué et
adressé au Ministère de la Santé.
L’ensemble du processus est très long (minimum
10 ans) et onéreux. Or les demandes
étaient de plus en plus pressantes.
Compte-tenu de l’insuffisance en consommables
et en équipements performants pour la purification et la détermination des
structures des molécules, il a été décidé de se contenter d’extraits
semi-purifiés pour la fabrication des phytomédicaments.
Sur une plante médicinale déjà bien connue de
la pharmacopée traditionnelle, les travaux du CNRP consistaient à préciser les
indications thérapeutiques, les contre-indications, la toxicité, les
posologies. Une attention particulière est accordée à l’assurance qualité.
Ainsi, pour la standardisation, les composants chimiques étant identifiés qualitativement, un constituant
spécifique est choisi comme indicateur pour le dosage quantitatif.
Rabodo
ANDRIANTSIFERANA CNARP 1999
Mais même cette voie a réservé bien des
surprises : des effets secondaires insoupçonnés, la non reproductibilité de
l’activité thérapeutique, la présence des principes actifs pendant une période
limitée dans l’année etc... ont retardé la mise au point des phytomédicaments
ou multiplié les recherches complémentaires.
D’où une nouvelle ligne qu’on pourrait
qualifier de « générique ».
Il s’agit de plantes médicinales figurant déjà
dans les pharmacopées internationales et qui ne nécessitent plus que des mises
au point de techniques d’extraction et de nouvelles formulations.
Dans tous les cas, la commercialisation des
produits est subordonnée à l’obtention d’une AMM du Ministère de la Santé.
Si, conformément à la législation française,
les dossiers de demande d’AMM étaient allégés pour les plantes médicinales déjà
bien connues, depuis 1999, tous les dossiers en instance sont bloqués en
attendant l’élaboration et la publication des nouvelles règlementations.
Le bilan de ces multiples expériences est
plutôt décourageant , et l’objectif de contribuer substantiellement à
l’approvisionnement en médicaments essentiels n’a pas été atteint.
La nécessité d’une collaboration avec des
organismes étrangers a été vivement ressentie. C’est pourquoi le CNARP a
proposé sa candidature à l’International Cooperative Biodiversity Group des
Etats-Unis, dont les objectifs principaux correspondant aux siens propres.
Depuis septembre 1998, le CNARP fait ainsi
partie du Consortium chargé d’exécuter le projet intitulé « utilisation de
la Biodiversité à Madagascar et au Suriname »
Les principes fondamentaux du programme de
bioprospection ICBG qui ont séduit le CNARP sont
- la reconnaissance de la valeur des
connaissances traditionnelles
- l’effort pour partager effectivement les
avantages découlant de l’utilisation de la biodiversité
- l’attention particulière accordée aux
communautés locales
- l’association de la conservation à
l’utilisation
Bien que le projet ne soit qu’au stade de
démarrage, les difficultés à concrétiser les belles idées se font déjà sentir,
car les réalités du terrain sont très complexes. Mais c’est une expérience
passionnante qui réclame ingéniosité, patience, persévérance et foi.
Outre l’IMRA et le CNARP qui sont des
instituts autonomes, différents laboratoires (Pharmacologie, Chimie ...)
d’Etablissements d’Enseignement Supérieur (Sciences, Médecine, Ecole Normale
Supérieure) ou de Centre de Recherche (Centre National de Recherche sur
l’Environnement), entreprennent des recherches sur les plantes médicinales et
la médecine traditionnelle.
Par ailleurs, des ONG oeuvrant dans des
projets de conservation et de développement intégré (PCDI) sont aussi amenés à
traiter des problèmes de santé en relation avec la médecine traditionnelle et l’utilisation des ressources
naturelles.
Ainsi le WWF a réalisé un projet de Clinique
intégrée où les connaissances traditionnelles d’un tradipraticien ont été
utilisées dans un dispensaire par des médecins modernes.
Les résultats de cette expérience ont permis
de chercher d’autres méthodes d’approche pour réussir l’intégration de la
médecine traditionnelle dans le système de santé officiel (PCDI d’Andringitra -
Ivohibe).
Des chercheurs ou étudiants étrangers viennent
aussi à Madagascar dans le cadre d’une bourse pour faire des enquêtes
ethnobotaniques dans des régions bien délimitées géographiquement et
culturellement.
Rabodo
ANDRIANTSIFERANA CNARP 1999
5 -
PRODUCTION DE PHYTOMEDICAMENTS
Le schéma des filières des plantes
médicinales, a montré que celles-ci peuvent être commercialisées :
- au marché ouvert, à l’état brut, sous forme
de tiges, feuilles, racines, graines, écorces...
- après une première transformation, plus ou
moins élaborée, en tant que produits d’herboristerie (broyats, extraits
liquides, forme pâteuse...)
Les deux premières catégories ne nécessitent
pas d’autorisation de mise sur le marché pour être commercialisé. Nous ne
parlerons donc que de la troisième catégorie qui relève de la production
pharmaceutique proprement dite et doit obéir aux règles de bonne pratique de
fabrication.
La décision de travailler les plantes
médicinales pour produire des médicaments avait pour objectifs principaux
l’économie de devises et l’obtention de médicaments moins onéreux que leurs
homologues importés.
Or, les seuls solvants disponibles localement
pour faire les extractions sont l’eau et l’alcool éthylique. Tous les solvants
nécessaires aux études chimiques doivent être importés, de même que les
adsorbants et les réactifs.
La
préparation d’extraits qualitativement et quantitativement contrôlés,
standardisés, est donc fortement dépendante des importations.
La plupart des excipients entrant dans la
formulation galénique ne sont pas non plus disponibles localement : amidon,
base grasse, conservateur etc... Il en est de même des articles de
conditionnement : flacons, bouchons inviolables, tubes etc... Et compte tenu de
la taille minime du marché, les étiquettes, prospectus et boîtes d’emballage
reviennent chers.
En définitive, dans le prix de revient du
produit fini, le(s) principe(s) actif(s) ne reprézentent qu’une faible
proportion par rapport aux excipients et au conditionnement.
Néanmoins, les phytomédicaments produits au
CNARP sont vendus au moins deux fois moins chers que leurs équivalents
importés.
6 -
DECOUVERTE DE MEDICAMENTS ET DROITS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE
Lorsque
le CNARP menait ses enquêtes ethnobotaniques, il était souvent interpellé par
les détenteurs des connaissances trasitionnelles, qui lui demandaient comment
ils pourraient être recompensés de leur collaboration.
Ce problème, soulevé à la Conférence Mondiale
sur l’Environnement, à Rio Janiero en 1992, par les peuples autochtones
répartis sur les 5 continents, et témoins impuissants du pillage de leur
biodiversité, a trouvé une réponse dans l’article 8j de la Convention sur la
Diversité Biologique.
Depuis, la prospection de la biodiversité est
désormais fondée sur les considérations éthiques, humanitaires et écologiques.
La prospection de la biodiversité
« consiste à rechercher, aux fins d’utilisation thérapeutique, agricole ou
industrielle, des ressources génétiques dans la diversité de la vie non humaine
de la planète » (J. Rosenthal).
L’ethnobotanique est une méthode de
bioprospection. Elle se limite aux éléments de la biodiversité qui sont déjà
utilisés trasitionnellement par les populations locales.
Rabodo
ANDRIANTSIFERANA CNARP 1999
Compte-tenu du rendement habituel des
recherches pharmaceutiques qui est de l’ordre d’un produit actif pour 10 000
produits testés, la bioprospection au hasard a la préférence des pays riches.
Dans ce cas, il s’agit de collecter au hasard, dans un écosystème donné, et de
tester les produits ainsi collectés. Le problème de la propriété des
connaissances traditionnelles ne se pos
donc plus. Mais pour que les populations locales qui dépendent étroitement
de la biodiversité au sein de laquelle elles vivent, bénéficient des avantages
de son exploitation, l’International Cooperative Biodiversity Group (ICBG) a
mis au point un programme qui intègre le développement sanitaire humain à la
décpouverte de médicaments, aux motivations pour la conservation de la
biodiversité et à des modèles d’activité économique soutenable.
Ce programme finance les groupes réunissant
des organismes du Nord (puissants technologiquement) à des organismes du Sud
(riches en biodiversité) qui conviennent d’exécuter ensemble un projet conforme
à ses objectifs.
Le CNARP fait partie d’un Consortium qui a
bénéficié de ces fonds en 1998. La Convention qui lie les membres du Consortium
explicite l’aspect technique du projet et les modalités de partage des
bénéfices.
A ce propos, l’idée principale est que des bénéfices reviennent aux communautés
locales, aussi bien à court qu’à long
terme, même si les données ethnobotaniques n’ont pas été utilisées.
La deuxième préoccupation est que les
laboratoires pharmaceutiques ou phytosanitaires n’attendent pas la
commercialisation de produits brevetés pour verser des compensations
financières aux différents organismes associés
dans le projet.
Schématiquement les différents bénéfices se
présentent comme suit :
Avance compensatoire (upfront compensation)
Versée au commencement du projet, elle est
destinée aux populations locales de la région où se déroulent les activités de
bioprospection et au renforcement des capacités des institutions nationales.
« Milestone »
Comme la recherche puis le développement de
nouveaux médicaments demandent 10 à 20 ans, il est prévu des payments dénommés
« milestones » aux étapes décisives suivantes :
- demande d’autorisation des essais cliniques
- demande d’autorisation de mise sur le marché
auprès de la FDA
Royalties
Deux particularités méritent d’être soulignées
ici :
- le taux des royalties est plus élevé lorsque
le produit breveté provient d’une connaissance traditonnelle
- il existe une part de royalties destinée
spécifiquement au « pays-source »
Le
problème qui se pose au CNARP est d’identifier les destinataires de ces
bénéfices particuliers. Il compte sur l’Atelier sur le Droit de l’environnement
qui aura lieu fin Mai, pour l’aider à trouver des réponses justes. Car le cadre
législatif malgache ne lui est d’aucun secours.
En effet, l’ordonnace de 1989 a bien institué
un régime pour la protection de la propriété industrielle en République
Démocratique de Madagascar. Malheureusement, dans l’article 8, il est stipulé
que « sont irrécevables ou doivent être rejetées les demandes de brevet ou
de certificat d’auteur d’invention pour :
Rabodo
ANDRIANTSIFERANA CNARP 1999
- les variétés végétales ou animales pour des
procédés essentiellement biologiques d’obtention de végétaux ou d’animaux
- les produits pharmaceutiques, vétérinaires,
cosmétiques et alimentaires.
Mais par une loi de 1995, Madagascar a ratifié
l’Accord instituant l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), dit Accord de
Marrackech, qui comporte un volet « Accord sur les Aspects des Droits de
Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC).
Partant de la hiérarchie des normes juridiques, l’Accord sur les ADPIC a
une valeur supérieure à celle des lois. Or l’article 27 - 1 de l’Accord sur les ADPIC exige la
protection inhérente aux brevets, sans discrimination quant au domaine
technique de l’invention.
7 -
CONCLUSION
Depuis deux ans, la situation économique de
Madagascar a tendance à s’améliorer. Mais d’après les indications
socio-économiques, ceci n’a encore aucune répercussion sur les populations. Les
problèmes de santé publique en particulier sont encore très préoccupants.
Plus que dans les années 70, les plantes
médicinales et la médecine traditionnelle méritent donc d’être valorisées.
Le quart de siècle qui s’achève a été témoin
des multiples efforts et expériences qui ont été entrepris à Madagascar dans ce
domaine. Secteurs privé aussi bien que public ont rivalisé pour aborder le
sujet sur tous les fronts.
Dans le domaine de la recherche, seul le
Centre National de Recherche Pharmaceutique a largement diffusé ses résultats
d’enquêtes ethnobotaniques par la
publication de deux ouvrages. Au niveau
des études pharmacologiques et chimiques, tous les intervenants reconnaissent
maintenant la nécessité de collaborer avec le Nord. Malgré l’équipement des
laboratoires malgaches en matériels performants, les recherches ne peuvent être
menées jusqu’au stade ultime. La maintenance reste un problème permanent de
même que l’approvisionnement en consommables. Dans le domaine de la chimie, en
particulier, l’acquisition de technologie de pointe pour la détermination des
structures n’est pas envisageable ni
souhaitable, car le rapport coût/efficacité serait exorbitant.
La hantise de Madagascar, comme tous les pays
en développement riches en biodiversité cependant est d’être victime de
biopiraterie. Or à l’impossibilité de mener jusqu’au bout les découvertes de
médicaments dérivés des ressources naturelles, s’ajoute encore les difficultés
de protéger les résultats valables et de les développer au plan international.
Parmi les modèles de coopération avec le Nord, c’est le programme de
l’International Cooperative Biodiversity Group (ICBG) qui nous paraît le plus équitable. La volonté de lier
l’utilisation de la biodiversité à la conservation d’une part, et à l’amélioration
effective des conditions de vie des populations locales d’autre part, y est
manifeste. Ce modèle de coopération tient compte aussi des aléas de la
recherche-développement de médicaments et de la durée incompressible des
travaux. C’est ainsi que des avances compensatoires sont versées dès le
commencement des activités, et que des payements sont prévus à chaque étape
cruciale de la découverte des médicaments. En exécutant ce programme, nous réalisons qu’il n’est pas
facile de mettre en pratique ses idées maîtresses : l’identification des
populations locales bénéficiaires, le choix des actions de développement
durable à appuyer, le mode de répartition de la part de royalties revenant au
pays source dépassent la compétence des seuls intervenants du programme. Le
problème qui se pose pour la première fois à Madagascar représente un tel enjeu qu’une concertation nationale est
prévue.
La voie des plantes médicinales tant parsemés
d’embûches, a orienté certains chercheurs et surtout opérateurs économiques vers
les plantes aromatiques et les huiles essentielles. Plusieurs marques de
produits parapharmaceutiques et cosmétiques se sont développées avec plus ou
moins de bonheur, et attirent surtout une clientèle éprise d’exotisme.
Rabodo ANDRIANTSIFERANA
CNARP 1999
La médecine traditionnelle elle-même a
bénéficié de la Convention de la diversité biologique qui insiste sur la
reconnaissance du savoir traditionnel. Les études et expériences pour sa
réglementation et son intégration dans
le système de santé officiel sont en bonne voie.
Enfin, pour ce qui concerne l’exploitation des
plantes médicinales pour le commerce international, les différents acteurs
viennent seulement de prendre conscience des mesures que réclame la perénnisation de leur activité.
En conclusion, l’avenir des plantes
médicinales et de la médecine traditionnelle à Madagascar peut être considéré
avec optimisme.
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Rabodo
ANDRIANTSIFERANA CNARP 1999
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